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Liliane ROSATI

Le sans-abri

Je l’ai vu un matin s’approcher d’un vieux banc,
Un brin déguenillé et le pas titubant,
Un mégot presque éteint accroché à ses lèvres,
Et les yeux transparents, comme embués de fièvre.

Il sembla hésiter, juste avant de s’asseoir,
Comme s’il comparait le banc et le trottoir,
Puis il choisit le luxe du siège en hauteur,
Pour achever sa bière et reposer son coeur.

A bien y réfléchir, l’endroit devait lui plaire ;
Il ne l’a plus quitté jusqu’aux grands froids d’hiver,
Occupant ses journées à observer la foule,
Comme s’il attendait que le monde s’écroule.

Décembre est arrivé, nous annonçant Noël,
Apportant avec lui son grand manteau de gel,
Et l’homme de la rue, souffrant de la froidure,
Serrait tout contre lui sa vieille couverture.

Les passants affairés à préparer les fêtes,
Ont oublié la main du mendiant faisant quête,
Le pauvre malheureux pour unique chaleur,
Trouva sur une grille un filet de vapeur.

Il élut domicile en cet endroit béni,
Comme un oiseau sauvage, y construisit son nid ;
En guise de brindilles il choisit des cartons,
Et s’enroula dedans jusqu’en haut du menton.

Puis il ne bougea plus, ni la nuit ni le jour,
Et sans faire aucun bruit, s’endormit pour toujours,
Sans parent, sans ami, pour lui prendre la main,
Et sans même un sourire ou un regard humain.

Ce matin, sur le sol, il ne restait de lui
Qu’un morceau de carton détrempé par la pluie ;
Nous ne l’avons pas vu s’éteindre peu à peu,
Alors qu’il mourait là, juste devant nos yeux.