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Liliane ROSATI

A l'ombre de mes branches

Depuis plus de cent ans je domine le parc,
Et observe la vie sans que l’on me remarque.
Silencieux spectateur d’un monde bouillonnant,
J’ai plus de souvenirs que tout être vivant.

Année après année, j’ai vu la ville naître,
Les maisons se construire et les champs disparaître,
Les rues se goudronner, se charger de voitures,
Et les commerces ouvrir leurs fières devantures.

Pourtant au fil des ans rien n’a vraiment changé,
Les saisons se succèdent, en un rythme figé.
L’homme se croit puissant mais il n’a su dompter,
Ni le froid de l’hiver, ni la chaleur d’été.

Chaque nouveau printemps est une renaissance,
Un souffle de gaîté, d’une infinie puissance.
Les enfants jouent dehors, ils courent, ils chantent, ils rient.
Les fleurs s’épanouissent en mille coloris.

L’été, quand la semaine fait place au dimanche,
Les amoureux s’embrassent à l’ombre de mes branches.
Les tout jeunes parents promènent leurs landaus,
Et goûtent la fraîcheur des abords du plan d’eau.

En automne je sers d’étape à ces oiseaux,
Qui partent en voyage, vers les pays plus chauds,
Mes feuilles dans le vent dansent en farandole,
Et posent leurs couleurs en tapis sur le sol.

L’hiver est le moment que j’apprécie le moins,
Je me sens inutile, et n’ai plus goût à rien.
Pour de longues semaines, la ville est endormie,
Le grand parc est désert et le froid m’engourdit.

Je ne serai plus là pour la saison nouvelle,
Quel idiot ai-je été de me croire immortel !
Ma vie touche à sa fin, je me sais condamné,
A nourrir les brasiers de quelques cheminées.

Cent ans de souvenir partiront vers le ciel,
Rejoindre le néant du silence éternel.
Les oiseaux reviendront de l’autre bout du monde,
Et la vie, l’air de rien, continuera sa ronde.