Ne m'appelez plus poésie
Ne m'appelez plus poésie, c'est ainsi,
Les poètes d'autrefois ont fait de moi,
Ce que je déteste aujourd'hui :
Un art difficile qui ne brille pas.
J'ai trop souffert, déjà naguère,
Qu'on ne comprenne pas mes vers.
Pas besoin d'être compliquée pour plaire,
Je ne suis pas un concours de vocabulaire.
Ne m'appelez plus poésie, je vous en prie,
Je voudrais changer de nom et de vie,
Je m'adressais aux enfants, aux parents,
J'étais parfois plus populaire que les romans.
On me voit partout mais personne ne me lit.
On a sacrifié mes adeptes et mes lecteurs,
Dans les journaux pour moi aucun coup de coeur,
Merci aux commerciaux et aux mauvais auteurs,
Vous avez fait de la prose un style meilleur.
Je souhaitais être universelle, la plus jolie,
Mais on veut m'enfermer dans une catégorie,
On me juge aux syllabes et à la richesse de mes rimes,
Quand on ne me reproche pas d'être trop intime.
Je suis la mal aimée des librairies
Synonyme d'angoisse et d'ennui,
Evoquer juste mon nom, cela suffit
A ce que l'on rie ou que l’on s'enfuie.
Lisez-moi, je vous en supplie,
Parlez en aussi à vos amis,
Je ne suis pas seulement ce qu'on dit,
Je n'appartiens pas aux poètes maudits.
Je peux être a la fois simple et jolie,
Je veux raconter des histoires moi aussi,
La mienne n'intéresse personne alors tant pis,
Même les poètes m'ont trahi, c'est fini.
Je vous demande une dernière faveur
Vous qui êtes sûrement des gens de coeur,
Ne me cherchez plus, je suis partie,
Et si vous me retrouvez, ne m'appelez plus Poésie...
