Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Julien BOUCHARD-MADRELLE

Un éloge du temps présent

J’écoutais il y a peu, attendri, la Callas
Ému et recueilli, l’âme bouleversée;
Ni le divin Orphée ni le fier Thamyras
Qui avec les Muses voulaient rivaliser,
N’eurent pareille voix, irréelle et sublime,
Pleine de volupté, de charme et de chaleur,
Pleine de ce génie qui domine les cimes
Et marque l’avenir du sceau de la grandeur !
Les mots qu’elle chantait devenaient monuments !
Son timbre était pour moi une céleste flamme,
Un soleil radieux, un astre transcendant
Qui jetait le transport tout au fond de mon âme!
Les ondes exhalaient cette voix surhumaine
Que le progrès avait sur un disque transcrit.
Je croyais écouter le chant d’une Sirène
Et mon envoûtement voulut que je m’écrie:
« Merveille saisissante ! entendre la Callas
Interpréter Mozart ou le grand Puccini,
Alors qu’elle a passé il y a vingt ans, hélas,
Entendre ses accents d’une grâce infinie!
Es-tu là, près de moi, toi, dixième muse ?
Non, tu dors à jamais au sein de notre terre;
C’est le génie humain, que parfois je récuse,
Qui immortalisa ta voix de lumière!
Je t’imagine fière, en Tosca tourmentée
Dont la terrible mort m’a cent fois abattu,
En si douce Mimi, en Isold envoûtée
Par le filtre d’amour qu’innocemment elle but. »

Progrès je te salue, faiseur d’éternité
Toi qui graves la vie avec exactitude
Et la gardes, inchangée, pour la postérité
Reçois donc d’un rêveur l’immense gratitude!


Progrès qui sut garder la parole historique,
Le visage d’un Grand songeant à la Concorde,
La beauté d’un pays et le geste héroïque,
Mais aussi tous les maux, les guerres, les discordes.
Toi qui as peint Marais et la sublime Edwige,
Éternellement beaux, à tout jamais vivants,
Là, sur la pellicule, et Charlot le prodige,
Marilyn et Audray ces rares diamants!
Tu gravas le talent d’un Saint-Saëns, d’un Satie,
Le génie d’Hermann Prei, la flamme d’Hans Hotter,
La sensibilité du maître Debussy,
De Fisher Diskau et de Janet Baker.
Toi qui as préservé le ton de Caruso,
De Brel, Julien Clerc et de Judy Garland,
Le souffle inégalé de Till ou Domingo.
Tu ravis les humains et les anges t’entendent!
Toi qui a conservé la voix de Genevoix,
De Piaf ou de Melba, grâce à toi j’ai rêvé
La lyrique Callas qui chantait près de moi
Les deux mains sur le cœur et ses grands yeux fermés.