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Julien BOUCHARD-MADRELLE

Des fantômes aux Tuileries

Une nuit de décembre, alors que je flânais
En rêvant, dans Paris aux ponts illuminés,
Sans savoir où mes pas vraiment me conduisaient
Je me suis retrouvé, lassé de cheminer,
Dans ce vaste jardin, entre Louvre et Concorde,
Qu’on nomme Tuileries.
Des touristes sans nombre
Défilaient devant moi et j’observai la horde
Assis sur un vieux banc, plongé dans la pénombre.

En voyant ces badauds aux allures spectrales
J’ai songé tout à coup au vieux temps, à ces jours
Où rayonnaient encor, pleins d’une aura royale
Ce palais appelé Tuileries et sa cour.

C’était un fier palais tout chargé de mémoire
Mais l’an mille huit cent soixante et onze, offense,
Après avoir connu des drames et des gloires
Il s’enflamma, de nuit, comme une torche immense !

Le feu en un moment, hélas, l’anéantit
Lui qu’une Médicis avait, près du vieux Louvre
Fait bâtir, loin du bruit, du temps du roi Henri,
Henri trois de Valois, son fils.
L’herbe recouvre
Désormais ce qu’il reste, hélas, de sa grandeur.
Henri quatre y vécut et Louis treize l’affable,
Louis quatorze un moment et puis deux empereurs,
Les deux Napoléons et Louis seize l’aimable.

Tout à coup les passants qui dans l’ombre avançaient
Me semblèrent vêtus comme au temps de ce roi
Des comtes, des marquis tout poudrés bavardaient
Avec leurs bas de soie et leurs bagues aux doigts.

Au loin, d’un clavecin, j’entendais les accords.
C’était le défilé de la cour de Louis seize,
De ce roi qui trouva sur l’échafaud, la mort,
Cœur noble et maladroit consumé par les braises !

C’était le défilé de la dernière cour
Qu’eut ce roi malheureux, des courtisans fidèles
Qui depuis Versailles jusques à ce séjour
L’avaient suivi malgré la menace réelle !
C’était la cour d’un roi chancelant sur son trône,
Encor toute parée des fastes du passé
Mais avec la pâleur de ceux qui font l’aumône.
Vieillis précocement, par l’histoire, écrasés.

Parmi ce long cortège, avec chagrin, je vis
Madame de Lamballe et Monsieur de Malsherbe
Cœurs loyaux sur lesquels le malheur a sévi
En les abandonnant aux crocs des loups acerbes.
Et voilà tout à coup que je vis devant moi
La reine et ses enfants et les dames d’honneurs,
Madame Elisabeth et son frère, le roi ;
Et je les saluais, ces royaux promeneurs.