Celui-là
A Alain D.
Qu’il est heureux celui qui va, sans trop s’en faire,
A travers les années, qui sait jouir du présent,
Qui ne dit pas toujours “ La mort, cette vipère,
Me regarde marcher, sans bruit elle m’attend.”
Qu’il est heureux celui qui aime à perdre haleine,
Sans s’être auparavant posé mille questions :
“ Hélas, suis-je digne d’une telle sirène ?
Si je lui tends mon coeur, me dira-t-elle “ Non “ ?
Qu’il est heureux celui, digne de sa jeunesse,
Qui rit, qui court aux quatre coins du monde,
Qui transmet à autrui la fougue et l’allégresse
Et qui n’a que faire des noirs pédants qui grondent !
Bienheureux, ô celui, qui dans les moments sombres
Sait trouver la lueur et la changer en astre,
Qui fort comme un centaure écarte loin les ombres
Et sait se relever après quelque désastre.
Qu’il est heureux celui qui ne se sent vieillir
Qui a toujours vingt ans, ne courbe pas son front,
Et qui lorsque la mort, soudain, vient l’assaillir,
Rassure encor les siens, rit ou dit des chansons !
Qu’il est heureux celui qui est libre en son âme
Et respecte toujours les libertés d’autrui,
Qui sait, sans vain calcul, toujours plaire à la femme,
Car simplement il est, car simplement il vit !
Qu’il est chanceux celui qui d’un rien se contente :
Du murmure des flots, de la fraîcheur du vent,
Qui sent à chaque instant une vie renaissante
Au fond de sa poitrine et mêlée à son sang !
Je voudrais, joie immense, être un peu celui-là,
Je voudrais respirer sans retenue les joies,
à tout heureux hasard, je veux ouvrir les bras,
De l’armée des soucis ne plus être la proie !
