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Joël ROUXEL

Le conte du vieux cheval de bois...

Un vieux cheval de bois, dans un sombre grenier,
Se morfondait du froid d’une amitié passée ;
Il avait été mis au repos dans un coin
Mais il n’avait rien dit tant il était chagrin.
Il y avait longtemps qu’il était oublié,
Des hivers, des printemps, à ne plus les compter ;
Il voyait, sans passion, les lunes d’or passer
Et comptait les rayons pour se désennuyer.
Il revivait l’histoire de sa propre existence
Questionnant sa mémoire sur sa plus tendre enfance
Et il se souvenait des longues promenades
Dans le jardin secret d’un enfant qui gambade.
Mais il était fourbu et ses vieux os usés
Ne lui permettaient plus les efforts prolongés ;
C’est pour cela qu’un jour, le ciel virant au gris,
On l’avait, sans amour, condamné à l’ennui.
Il avait en mémoire, solidement ancrée,
L’attente, un certain soir près de la cheminée ;
Il se voyait encore au pied du beau sapin,
Un ruban rouge et or suspendu à ses crins.
Il avait attendu, ses grands yeux bleus ouverts,
Que sorte enfin des nues le gamin « Petit Pierre » ;
Il avait aussitôt attendri le bambin
Par ses roues aux sabots et son regard câlin.
Les jeux duraient souvent ce que durent les jeux :
Le bonheur d’un instant que l’on partage à deux ;
Joueur, le petit Pierre du lundi au lundi
Agrippait la crinière pour des sauts de cabri.
Puis, tout à coup, plus rien…! Le trou noir et l’oubli…!
- Les rires enfantins cessent souvent ainsi -
Tout redevient normal, il nous faut oublier
Comment le vieux cheval eut la patte brisée… !
Dans un coin du salon, près de l’ancien bonheur,
L’équidé sans aplomb perdit de ses couleurs.
Il était resté là, rêves inachevés,
N’osant plus un seul pas par crainte de gêner.
C’est ainsi qui prit fin l’épopée cavalière
- Même les beaux chemins sont parsemés d’ornières -
L’équidé, en détresse arriva au grenier
Offert à la tristesse des toiles d’araignées.
Les années s’écoulèrent en tendresse ou soupirs,
Le temps pour Petit Pierre de finir de grandir ;
Puis, au soleil de juin, piqué par Cupidon,
Il croisa, en chemin, un cœur de Cendrillon.
De cet Amour géant naquit le Petit Louis ;
Il fit ses quelques dents, ses premiers pas aussi ;
Puis, grandissant encore, il monta l’escalier
Pour chasser les trésors dans le vaste grenier.
Le jeu ne fut pas vain, l’enfant émerveillé
Délivra de son coin le cheval anémié.
Des colles en pommade et caresses en peintures
Naquirent des ruades pour d’autres aventures.
Il ne faudrait jamais, par respect du passé,
Remiser au secret ses jolies chevauchées ;
La vie est un manège, un recommencement,
Tombe, tombe la neige… revoici le printemps…
Si demain, comme moi, vous croisez le chemin
D’un destrier de bois le cœur plein de câlins,
Dites-moi simplement qu’avant de l’adopter
Vous ferez le serment d’oublier le grenier.