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Jean-Pierre QUIRIN

Le casque et la tortue

Sieur Hasard pleurnichait en se mouchant le nez :
- Les voies du destin sont impénétrables
Et des cul-de-sac, il n'est pas gêné...

Pour preuve irréfutable,
De la tortue, voici l'histoire lamentable :

Pauvrette, à peine sortie de l'œuf,
Elle tombe en arrêt devant un casque veuf
D'avoir perdu son officier pendant la guerre
Et qui gisait, solitaire,
Cabossé, rouillé, par terre.
Son sang froid ne fait qu'un tour :
- Te voici, mon bel amour,
O mon âme, ma sœur âme !...
Le reptile en émoi s'époumone et se pâme.
Elle tourne, elle vire, elle s'offre en cadeau
A l'ancien couvre-chef qui lui fait le gros dos,
Insensible, on dirait, aux jeunes carapaces.

L'amour têtu rend la tortue un peu bêtasse :
- Un jour, mon Prince s'éveillera,
J'en suis sûre et certaine etcétéra...
Dame Tortue, donc, attendra.
Mettant ses drapeaux en berne,
En plein Juillet, elle hiberne
Tant et si bien,
Qu'elle est morte en moins que rien !

L'on pourrait arrêter notre histoire à ce stade,
La morale d'en-haut trouverait sa boutade.
Mais ce n'est pas assez
Et le destin lassé
Saupoudre un peu de sel dans ses farces.

Le temps passa. Les averses éparses,
Les canicules, les frimas, sur le maquis,
Vidèrent la maison de son cadavre exquis.
Dès lors, le vieux chapeau de guerre
Et la coquille font la paire.
Il sont unis dans le néant
Mieux qu'Yseut et Tristan.
L'un pour l'autre, ils sont un. Roméo pour Juliette,
Mieux que l'alter ego que le miroir reflète.

Un gamin qui jouait à la guerre des vents,
Arrêta son coursier devant les vieux amants.
Il vit tout le profit à tirer des fantômes,
Hésitant cependant dans le choix de son heaume.
Puisqu'il fallait le nettoyer,
L'enfant, d'un coup de pied,
Dédaigna le chapeau guerrier.
Et, comme c'était un esprit fantasque,
Il saisit la tortue et il s'en fit un casque.