Ze Prose. Pinard a-t-il une Âme ?
Juges, vous serez déjugés,
Quand bien même le marteau de bois,
Dans cette salle d'audience, a plaqué la sentence,
Comme le maillet sur le clou du cercueil.
Ce sont ses enfants que vous enterrez au nom du Père,
Fossoyeurs et bourreaux,
Drapés de blanche hermine et de vertu sanglante.
Aussi rouge que les robes de la Sainte Inquisition,
Commandée elle aussi par une reine espagnole,
Extirpant l'hérésie des âmes en torturant les chairs,
En sacrifiant aux flammes vrais juifs et faux sorciers.
Juges, vous serez déjugés pour avoir préféré
L'aigre piquette au rubis d'ambroisie,
Le persiflage d'un barbier
Aux compositions du génial Fleuriste.
Vous mutilez son bouquet, charognards infâmes,
Attendant sur la branche d’une croix
Faite d'un mauvais bois, sertie d'un messie de paille,
Aux ordres de revêches évêques et de curés ventrus,
Qui corsètent de fer ce siècle industrieux,
En muselant les muses.
L'Eugènie n'aime pas le génie,
Et son cœur, comme son mari, est malade de la pierre,
- cette pierre sur laquelle on ne bâtit aucune église.
Juges, vous serez déjugés pour avoir aveuglément mis
Dans la balance une pesante bible et un recueil maladif :
En vain vous reniflez, quêtant entre les feuilles
L'odeur du soufre odieux,
Traquant entre les lignes les traces d'un pentagramme.
Pourtant, nul diable ne loge dans les alexandrins,
Si ce n’est dans nos cœurs,
Et vous ne trouverez que des démons faits à notre image,
Ainsi que l'inventaire de tous les avatars.
Votre jugement n'est que le jugement denier,
Les trente deniers du culte.
