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Jean-Pierre LASTRAJOLI

Ze Prose. Le Noyé Perpétuel

(A Jean-Claude)


Un canal brumeux de Belgique, charrie toujours ton corps.

Les amours, les amours déçues sont si lourdes à porter,
Qu’elles vous tirent irrémédiablement vers le fond vaseux.

Mon pauvre ami, que t’a-t-il donc pris
De te défaire du cadeau de la vie ?
On rencontre plus d’amours qu’un cœur peut en contenir,
Mais on n’a qu’une vie, tu sais !

Même si on croit qu’on ne peut vivre sans l’autre,
C’est un mensonge qu’on se raconte,
Afin d’embellir une histoire ordinaire.

Je me souviens de cet horrible cadavre
Que les vagues charriaient contre les rochers acérés,
Devant les quais du Paris, ce cinéma abandonné depuis.
Un cadavre gonflé, aux vêtements déchirés.

Une serveuse qui, disait-on, s’était jeté à la mer.
Ou qu’on avait aidé.
Macabre découverte par une après-midi amère,
Où le ciel traînait sa langueur en collier de grisaille
Et les eaux vineuses, que seule éclairait l’écume,
étaient aussi troubles que nos cœurs.

J’espère qu’on a retiré ton corps
Avant qu’il n’offre ce spectacle désolant.

Pour moi, tu t’es jeté d’un pont et,
Dans la brume d’une horrible et triste journée,
Ton corps flotte à jamais sur les eaux.
Et nul ne s’en soucie.

Les eaux noires de ma mémoire ;
Celles qui charrient les remords, les regrets,
Et les corps qui effraient.

J’aimerais tant que cette image n’occulte pas
Les jeux d’enfants, au village,
Quand nous courions et chapardions dans les vergers.

Mais, cette vision horrible,
Tel un spectre, s’impose en tyran
Et efface au tableau du passé les instants souriants.