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Jean-Pierre LASTRAJOLI

Ze Prose. Gilgamesh

(A Jean Bottéro)

Dans son palais amer,
L’agile Gilgamesh remâche le passé ;
Il revoit Enkidou, son bel ami si doux,
Dont le corps sculptural,
Dans son horrible tombe est semblable à la boue,
Depuis qu’il a péri,
Lui qui dans les prairies se nourrissait de l’herbe
Et buvait l’eau des sources,
Compagnon des gazelles.

En vain, par les collines,
L’hiver par les montagnes,
Au printemps par les plaines,
Et onze doubles-heures tâtonnant les ténèbres,
Gilgamesh a marché,
Cherchant le doux remède permettant d’ignorer
Le royaume des morts de l’arrogant Nergal.
Il a quêté en vain.

Aux sommets enneigés, il a gêné
Sans peur les démons et les dieux,
Afin qu’ils lui révèlent le secret primordial ;
Il a enfin compris que c’est le lot commun
Et que nul ne se défausse de la fosse,
Nourrissant les vers,
Avec la chair pourrie et le corps desséché.
Par ses orbites creuses,
De baveux escargots porteront leur fardeau,
Et ses os déliés redeviendront poussière.

Dans son palais d’argile,
Gilgamesh qui vieillit en quête du mirage de l’immortalité,
Sait qu’un destin odieux, plein d’immoralité,
A accordé aux dieux ce qu’il refuse aux hommes.
Le soleil va s’éteindre,
Et toutes les étoiles déclineront leurs feux,
Et lui survivrait, privé de ce sommeil,
Parcourant les décombres,
Et portant sans envie une inutile vie,
Sans dormir dans les plis des doux draps de l’oubli.

Il faut mordre et dormir, et bannir le remords.