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Jean-Pierre LASTRAJOLI

Les Chroniques d'Impelyon. 15. L’aubade d’Adeburiale

“- C’est une mort douce et sucrée,
Que seuls distillent les songes mensongers !”.
Un homme, ou un démon, les yeux cernés d’ombre,
à demi chauve et vêtu d’un manteau aux couleurs passées,
Me fixait de ses yeux illuminés par l’Absolu.
Il voit à l’intérieur des choses
Et je me sens si transparent,
Plus que nu : l’âme dévêtue.

“- Je suis Adeburiale,
Le prince perverti des corrompus et des maudits,
Qui se vautrent dans l’excrément et les fanges fétides.
Je me repais et me nourris
De la souffrance et l’ignominie ;
Je me complais et ressuscite
Dans l’immondice et dans le vice.
Pourtant, je suis le plus déshérité des anges,
Car si j’ai fait mon lit de la misère,
Je n’en suis pas le créateur,
Mais le spectateur.

“ J’ai fait de l’ombre mon royaume,
De l’amertume mon armure,
Sombre prince sans légions, démon privé de sortilèges.
Je promène un regard blasé sur les déchets d’humanité,
Qui, pour posséder un peu plus ou souffrir un peu moins,
Se dévorent et détruisent,
à l’image des deux guerriers qui finirent de s’étrangler
Alors que les avalaient les sables mouvants.
Ce monde est un tableau tremblant de haine,
De peur et d’envie,
Vibrant comme un muscle tendu sous une peau féline,
Quand déchirent les griffes.

“ Je suis le chantre de la mort,
Celle qu’on appelle de ses vœux,
Délivrance et retour aux sources,
Réminiscences d’une vie antérieure.
Je remue la boue et l’ordure,
Pour en extraire l’impure liqueur,
Le philtre amer des remords,
Ce nectar qui nous brûle l’âme.
Que sommes-nous sinon
L’insatisfaction permanente d’une fraction d’éternité,
Ne voulant aller où nous devons,
Refusant de rester où nous sommes
Et portant la langueur du lieu d’où nous pensons venir ?
Et toi, mon frère d’amertume,
As-tu enfin choisi ta voie ?
Comme tous, ici-bas, tu hésites,
Car le poison de l’indécision te paralyse,
Gâtant ton sang et le plaisir de l’instant.
Il te faudra pourtant trancher .”

Comme il est venu, il s’en va,
Dans l’ombre et le mystère.