Les Chroniques d'Impelyon. 14. Le départ d’Oparliniale
“- Vous me direz : "Comment connaissez-vous ce fantôme farceur ?" C’est que, moi-même, je suis un spectre, Et s’il reste quelques doutes à cet égard, Voyez les traces à mon cou De la corde qui ouvre les portes du monde ésotérique. Je voudrais renaître dans une ère Où des dames aux fenêtres d’un palais couvert de lierre, Attendent que vienne chanter le Prince Ménure, -mi-homme et mi-oiseau -, paradant sous leurs murs moussus Et, à leurs oreilles, murmurant les aveux les plus impurs. Une époque où je ne souffrirais plus, Comme un mien compagnon, Oparliniale, Mourant d’un mal étrange, la délivrance qui le ronge. Vois-le pour moi, Et recueille l’eau de ses regrets ultimes !”. Il m’indique la voie Et s’évanouit soudain.
Dans un vallon, ainsi qu’il l’avait dit, Je découvre un soldat de bleu vêtu, étendu, la tête bandée, délirant de fièvre. Il chuchote ses souhaits à ma pâle silhouette:
L’as-tu vu celle qui m’aimait ? Mais l’amour est un voyageur Semant la misère et les pleurs Au gré des brouillards de l’oubli. M’a-t-elle aimé un seul instant ? Les songes sont de vrais menteurs Qui flattent les élans du cœur Et agitent toujours des leurres. Par les canaux durant des jours J’ai suivi l’ombre évanouie Et aux fantômes de l’amour J’offris une rose fanée. Oh ! dis-lui que le souvenir Est un amant toujours fidèle Et la mort une sœur aimante Effaçant tout de ses baisers. J’emporterai pour tout bagage L’image de ses seins pointus Et de ses hanches généreuses. Le reste n’est qu’une illusion L’onguent qu’appliquent sur la plaie Charlatans en bonnets pointus Et obscurs mages aux cornues. La nuit descend vêtue de froid La nuit et puis après qu’en sais-je La nuit et son manteau de neige ....
Il souriait, les yeux ouverts, fixant les cieux illuminés, Par-dessus les verts centenaires, Où naviguait la trompeuse image d’un bonheur retrouvé.
Avait-il donc passé le seuil des mondes parallèles Où demeurent les passés à venir ?