Vos
poèmes

“- Or, il n’est pas toujours bon
De troubler le repos des morts,
Car il peut en résulter de fâcheuses aventures.
Ainsi, l’esprit farceur de Rancsor s’amuse aux dépends
Des impudents enfreignant imprudemment ce règlement.
Gare à celui qui vient à passer
Près de son caveau élevé dans le Comté Levantin,
Dont les coteaux produisent un si bon vin :
Son spectre facétieux exulte des plaisanteries
Qu’il exhume des fosses grasses.

“- Que je sois châtré !”, éructe-t-il, malicieux,
à celui qui s’assied sur la dalle glacée.
“- J’ai dû subir toute ma vie durant
Des fâcheux de tout poil,
- je pardonne d’avance aux ivrognes
Chantant sans vergogne sous mes appartements -,
J’ai souffert mille maux,
- qui n’étaient hélas pas d’esprit -,
Et alors que je pensais enfin dormir du sommeil du juste,
Ne voila-t-il pas qu’un maraud trouble mon repos ?
Que diriez-vous, si je m’en venais vous tirer les pieds,
Lorsque vous ronflez au creux de l’oreiller,
- l’idée m’en est plaisante
Et je me demande si je ne vais le faire - ,
Et que je chante, dans d’obscurs recoins de la chambre,
Quelques chansons à boire,
Ne fût-ce que pour me souvenir
Du bouquet des vins gouleyants
Des seigneurs prêtres levantins ?
J’en ai bu tant et tant fait provision,
En prévision des années de jeun forcé de la fosse,
Que je pensais en conserver plus longtemps l’arôme ;
Mais, un fantôme n’a plus de sens :
Il ne lui reste que l’esprit.
Que je meurs de soif au pied d’une fontaine de vin,
Si dans l’instant j’entends encore le moindre bruit !”.

Il finit seul son discours,
Car le passant inconscient est loin depuis longtemps déjà,
Et son sommeil sera troublé
De cauchemars habités d’un fantôme infirme,
Qui chante, qui boit et fait ripaille.
Il sera alors victime de son imagination,
Dont on sait le pouvoir illimité, et tandis qu’il veille,
Rancsor dormira.”