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Jean-Pierre LASTRAJOLI

Les Chroniques d'Impelyon. 11. Ballade amère de Burdima

“- Le pouvoir de l’imagination est immense
Et dépasse souvent les limites élémentaires de la prudence.
J’avais pour trouvère un très jeune garçon,
Du nom de Burdima,
Qui colorait de ses mots ma vallée,
Au gré de son humeur immodérée,
Remodelant les phrases musicales
Et réinventant la langue ancienne,
- celle que chuchotaient, à notre oreille,
Les anciens dieux,
Alors que nous avions encore foi en eux ;
Celle que chante le vent,
Dans les ruines des palais désertés,
Et que murmurent les ruisseaux naissants,
Sur le flanc des monts, vers l’ombre des vallées -.
Mais, son esprit, épris d’absolu,
Ne se satisfaisait plus de ces simples jeux verbaux,
Prisonnier qu’il était de l’imaginaire.
Burdima décida d’abolir les frontières du rêve
Et de le mêler à la réalité :
Aussi, écrivit-il des récits
Qu’il se prit d’envie de vivre.
Il devint l’acteur d’une existence
Qui ne lui appartenait plus
Et dont il voyait se dérouler le fil fragile,
En spectateur indifférent.

Il se fit trafiquant,
écumant les côtes inconnues de la Corne Orientale,
Troquant des caisses d’armes
Contre des peaux de fauves avec les rebelles des plateaux.
Il cessa d’écrire et de chanter,
Puisqu’il se trouvait au cœur d’un rêve vivant,
D’une réalité inventée.
Il songea aux aventures les plus insensées,
Perdant tout sentiment de danger.
Un jour, l’idée de mourir de la pourriture mortifiante
Sembla à son goût, et jamais on ne le revit,
Créant un indestructible mythe.
Sans nul doute,
Dans la maigre végétation des contrées sauvages,
Se trouve sa tombe édifiée par les indigènes,
Profanée par les museaux d’infâmes charognards affamés ;
Une sépulture que nul n’honore
Et délivrée de l’inconvenance
Des pleurs troubleurs d’oubli.
Mais, ça aussi, il l’a conçu.”