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Jean-Pierre LASTRAJOLI

Les Chroniques d'Impelyon. 10. Les délires d’Everland

Velte était venu s’éteindre
Dans la cité du peuple disparu :
Une ultime quinte de toux l’emportera, un sombre soir
Qu’il rêvera des déités nocturnes des contrées chaudes,
Dont sa santé, désormais, lui interdit l’accès.
Qu’il repose alors, et puisse-t-il renaître enfin
Dans un corps sain, sur le continent Asturiale,
Bercé par la douce torpeur de la haute saison,
Chère à son cœur.
Depuis dix journées que je l’ai quitté,
Je n’ai pas rencontré âme qui vive,
Et voici deux divisions solaires
Que je progresse dans une vallée sans couleurs.
Elle ne possède que les tons allant du noir au gris clair,
Baignée du charme étrange des gravures du passé, d
Es images des livres de voyages,
Mensonges et légendes que colportent les explorateurs.

“- Vous cherchez les couleurs ? Je les ai volées !
Et j’ai bien fait !”.
Faisant sonner les grelots de sa marotte,
Dans son pourpoint rayé de noir et blanc,
Couvert d’un sombre chaperon, sur une branche
Se tient un homme sautillant.
Il descend au sol, glissant le long d’une liane,
Et se plante face à moi, les yeux brillants de folie,
Comme deux escarboucles.

“- Je suis Everland, le ténébreux prince de ces lieux,
Et je leur donne la couleur que je veux !
Mon humeur est capricieuse et mon esprit joueur.
Ainsi, je demande toujours une réponse à une énigme,
Pour payer le droit de passage. Ecoutez bien :

Je ne suis rien qu’un éclair éphémère,
Et pourtant, je continue d’exister;
Je serais un fantôme, une chimère
Hantant l’ombre de vos vies attristées.
Chacun court après moi le cœur amer ;
Je suis passé : il est vain d’insister.
Résous ce mystère ( au fond très primaire)
Pour passer... ou il faut te désister.

- Je crois qu’il s’agit du bonheur...
- Exact, exact ! Le bonheur n’est qu’un instant fugace,
Un enfant joueur, une allumette vite consumée
Sur l’autel du temps qui passe, et pourtant,
Ce moment lumineux se prolonge en nous éternellement.
Mais, l’important est-il le bonheur ou le souvenir ?
Le ventre n’a de souci
Que d’apaiser la faim qui le tenaille,
Et, à peine le met avalé,
Se développe le souvenir de son goût.
Une fois morts, les instants deviennent aussi beaux
Qu’une jeune fiancée au tombeau.
Avez-vous remarqué combien les couleurs sont superbes
Depuis que vous ne les voyez plus,
Et comme vous pouvez imaginer celle
Qui convient mieux à votre cœur ? ”