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Jean-Pierre LASTRAJOLI

Les Chroniques d'Impelyon. 09. L’aubade du Sieur Belluyad

“- Dans les contrées chaudes, à l’aube du désert immense,
Dont l’horizon même n’embrasse pas les limites,
Est bâtie l’antique cité de Snossoc,
Berceau où babilla le monde s’éveillant.
Des palais que balaient les vents marins,
Dans des volutes de poussière,
Et des vestiges, ensevelis dans la gangue séculaire,
Témoignent de la magnificence de la civilisation mère.
Autour de ces murs de briques,
Que façonnèrent des artisans voici trois mille ans,
Et des temples aux frontons
Représentant les déités argentines de la nuit,
Vibrant encore des instruments
Qui sculptèrent et polirent la pierre,
Izedyn s’étend, nouvelle capitale du continent Asturiale,
Que les barbares abordèrent
Pour imposer les dieux solaires,
Vidant par cargaisons entières les tombes
Et monuments royaux de leurs envoûtants joyaux.

Les feux matinaux avaient rosi, depuis,
Plus d’un million de fois l’immémoriale cité testimoniale,
Quand les Rois Dieux d’Argobal ont dépêché une ambassade,
Dont j’étais.
(Sans doute est-ce là que le vent brûlant,
Qui façonna les rochers champignons,
M’a irréversiblement desséché les poumons).
Nous avions pris pour résidence, le palais des cent dieux,
Dont chacun des piliers figurait
Une divinité nocturne des rites disparus.

Belluyad, un de mes compagnons de voyage,
Se désolait dans ce palais ensoleillé ;
Il soupirait après son vert pays et sa ville natale,
Se sentant exilé par la nécessité,
Dans une cité pour lui sans charme :
Tout y était contraire aux douces contrées
Qu’il avait dus quitter.
Au lieu de merveilleux vestiges, ne s’élevaient que ruines,
Et la chaleur paradisiaque s’opposait, en son esprit,
Au climat tempéré des vallées de son adolescence.
Le chant rafraîchissant des pluies de la basse saison
Résonnait en son cœur mélancolique,
Dans les souffles torrides des terres arides du désert :
Il aurait certainement péri,
S’il n’était rentré au Vert Pays.

J’étais son contraire,
Sans cesse émerveillé par l’exubérante différence
Des contrées chaudes et affamé de visions nouvelles.
Pourquoi ce récit si banal, s’étonne votre amical regard ?
Il me semble que vous cheminez entre Belluyad et moi ;
Avide d’horizons inconnus,
Votre plaisir est altéré par le souvenir aveuglant
D’un passé faussement embelli
Par l’omission des instants insipides.
Choisissez votre voie,
Mais n’en voulez qu’une seule à la fois,
L’explorant jusqu’au bout,
Ou vous ne goûterez rien en entier.”