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Jean-Pierre LASTRAJOLI

Les Chroniques d'Impelyon. 05. Affabulations du larron

L’indication cachée de Darbrent était bonne,
Car, dans cette voie,
J’abandonne sa forêt aux arbres identiques.
J’avance sur un sol couvert d’herbe et de mousse
Qui chuinte à chacun de mes pas feutrés ;
Le harfang des étangs, de son chant lancinant,
Transperce le silence, comme une chair tremblante.
Telle une soie froissée gémit, les buissons frémissent
Aux caresses du vent,
Répétées, répétées.
Tout bruit est un récit invoqué
Pour chasser les mauvais sorts des diables tourmenteurs.

Soudain, la lame froide d’un poignard menaçant,
Traversée d’un éclat lunaire,
Caresse ma trachée de son acier tranchant.
“- Frère humain,
N’as-tu rien à donner au pauvre Nilvol,
Qui pille et qui vole, après avoir vécu
Dans les demeures princières des seigneurs protecteurs,
Et dormi à l’ombre impitoyable des potences ?
Donne et tu seras remercié, a dit le Dieu des dieux,
Car la pauvreté t’ouvrira les voies de la félicité !”.
Je présente mon sac qu’il examine,
Hochant le poids de son dépit.

“- Des écrits : beau cadeau, en vérité, messire l’érudit !
Reprends-les. Ils ne peuvent nourrir qu’un esprit
Dont le corps ne hurle plus famine.
Et rien dans les habits ; décidément, je suis maudit.
La malchance inclémente poursuit son fils Nilvol.
Les dieux m’ont rejeté et les démons me narguent.
Le seul voyageur vu depuis des lunes,
Est encore plus démuni que le voleur.
Cette lame est inutile :
Elle gaspillerait du sang en plus du temps.

“ Mère Suprême, que je regrette les ruelles sordides,
Où mes amis et moi détroussions d’avares marchands
Cherchant une chambre moins chère,
Et soulagions de goussets superflus
Des seigneurs avides de sensations.
Ils ont tous disparu, ces aimables compagnons,
Transperceurs de pourpoint, saigneurs de nobliaux,
Essaimés au gré des pendaisons,
Dont seul un bienveillant génie m’épargna l’inconfort.

“ Depuis, je traîne ma misère, dans les bois verts
Où j’estourbis et déleste de pauvres paysans,
De maigres colporteurs.
Libère mon horizon, avant que ma raison ne revienne,
Et remercie les dieux,
- il en est sûrement un -,
Veillant sur les écrivains !”.

Il n’est pas nécessaire qu’il s’y reprenne par deux fois :
Je courrais encore,
Si mes jambes meurtries
Et mes poumons brûlants le pouvaient,
Tant la peur a fait battre les veines à mes tempes.