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Jean-Pierre LASTRAJOLI

Les Chroniques d'Impelyon. 04. Anathèmes de Darbrent

En avançant, sur le sol retrouvé,
J’ai soudain le sentiment de tourner en rond
Et d’emprunter des chemins que j’ai déjà foulés.
Dans la pénombre humide et la brume pénétrante,
Les buissons m’apparaissent tous semblables,
Et un malaise troublant m’assaille, dans ce dédale végétal.
Cet arbre ne se distingue en rien du précédent,
Pas plus que du suivant,
Et les chemins sont parsemés de pierres identiques.
Je donnerais tous les palais des empires levantins
à l’esprit bienveillant qui saurait
Me délivrer du labyrinthe.
Au détour d’un buisson dense et si semblable aux autres,
Je perçois, dans les fourrés, un tremblement,
Un bruissement dont j’ignore la cause.

“- Dehors, démon étranger! Diable des étangs, au large!
Tu viens me déranger dans mon domaine exclusif :
Ma demeure des ténèbres fangeuses
Est souillée par ta présence,
Archange du crapaud cornu, charmeur des marais !”

Ainsi marmonne un nain bossu et laid,
Qui vide son sac d’imprécations haineuses,
Exorciste aux propos bileux.
Darbrent se nomme le gnome hideux,
Jurant et crachant un torrent de mots orduriers ;
Il danse et ondule, sous la lune, ce boiteux argenté,
Dans sa fulmination circonvolutive.

“- Dis-moi, - si tu veux que je parte -,
La direction à prendre!”.
Je tends le bras pour le saisir,
Tant il me donne le tournis :
Il bondit vite de côté et l’évite,
Sautant prestement sur ma main, cette peste,
Qu’il mord cruellement de ses chicots noirâtres.
Il ricane, l’exécrable,
Allumant les brandons irisés de la cruauté.
“- Que tu meurs empoisonné par ma morsure
Et que ta charogne contamine les marécages !
Surtout ne me suis pas,
Pestilence fœtale d’un ventre mal fécondé !”.

Il disparaît dans les buissons, en inscrivant
Dans l’air pesant le signe des puissances tutélaires.
Par prudence, je prends le chemin en direction inverse,
Bandant le souvenir sanglant qu’il a imprimé sur ma paume.