Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Jean-Pierre LASTRAJOLI

Les Chroniques d'Impelyon. 03. Récit de Nerviale

“ - Dans une auberge honteuse, crasseuse et mal famée,
Où nous étions venus cacher nos amours vénéneuses,
La dispute éclata, imprévisible et mystérieuse,
Comme le feu couvant dans les antres rocheux.
Les lourdes portes claquées battent l’irrémédiable glas
Qui nous anéantit du poids soudain de l’âge.
Je pleurais sa peau douce et son corps,
Ferment des feux floraux de la jeunesse,
Ainsi que son esprit bouillonnant de sang neuf
Et d’inventions outrancières.
Ô voyageur,
Connais-tu la douleur des mornes soirées de solitude,
Quand le fauteuil vide ressasse sans cesse,
L’absence insoutenable ?
Non, n’est-ce pas?
Ton visage dégage un étrange mélange
De chagrin résigné, d’indifférence sage :
Sans doute as-tu eu le choix de ton destin
Et, peut-être, l’as-tu provoqué.
Pour ma part, j’étais privé de ma moitié
Et du merveilleux miroir de ses yeux ;
La peine me rongeait, ce pernicieux venin,
Et j’allais partout, pénitent privé de foi,
Sous le poids des chaînes brisées.

Ainsi que tu l’as fait, en ce lieu je m’arrêtais,
Gémissant sur mon sort, encore et encore,
Dans le refuge du refus, l’enfant capricieux du remords.
Mais, ici, il plante ses racines
Et tisse la trame végétale d’une cage sylvestre.
Tous les arbres cernant la clairière de l’îlot
Sont ainsi nés de la sève amère des regrets.
Voyageur, fuis cet endroit malenchanté
Avant d’être figé dans l’immémoriale souffrance
De la forêt pétrifiée!”.

Il s’exprimait avec difficulté,
L’écorce brune couvrant, à présent, son visage,
à l’exception de ses yeux et sa bouche.
J’ai repris les chemins vaseux, peureusement,
Plantant mes pieds souffrants dans des ventouses bourbeuses.
J’ai levé ma main, dans un dernier adieu ;
Une branche a tremblé ostensiblement,
Sans doute sous l’effet d’un vent farceur.