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Jean-Pierre LASTRAJOLI

Les Chroniques d'Impelyon. 02. N'ayez aucun regret

Les volutes de brume s’amusent autour des arbres
Qu’elles enveloppent de leurs bras impalpables ;
Dans ce bourbeux cloaque, je patauge et je peine,
Depuis des jours.

Au cœur de l’opacité que provoquent les ramées entremêlées,
Il n’est que peu d’écart entre le jour sans flamme
Et l’insondable nuit : la noirceur est moins dense
Durant quelques divisons solaires.

Un îlot, dans l’ombre pâle du jour,
Me propose enfin le repos d’un sol ferme, et je m’affale
Dans une clairière exhalant un parfum maléfique.
Un voile nébuleux, semence du sein des astres,
Plane implacablement, comme un charme sournois,
Sortilège broutant les hautes herbes frissonnantes.
Un sommeil douloureux couvre de ses vapeurs,
Ce corps qui n’en peut plus de son trop plein lactique.
Appuyé contre un arbre, arbre abattu moi-même,
Je sombre, somnolent, dans les herbes humides.

“- N’ayez aucun remords !”.
Une voix douce résonne dans le silence revenu :
Pas une âme qui vive et pas une ombre en vue.

“- Surtout, ne regrettez rien !”.
Je me lève, engourdi,
Et d’un œil incrédule inspecte les environs.

Rien.
Rien que mon esprit qui dérive,
Délirant dans les fièvres des marécages
Et les mirages des mangroves.

“- Je vous dis ça en connaissance de cause :
Il me déplairait qu’il vous advint
La même chose qu’à moi.”
L’arbre auprès duquel je cherchais le sommeil, avec succès,
Enserre un visage humain qui veut se dégager, en vain,
De l’écrin végétal ;
Un visage malingre, au teint cireux,
Où flânent deux yeux désabusés,
Au-dessus d’une barbiche soulignant les joues creuses,
Et sous le savant front dégarni, ridulé de mélancolie.

“- Je comprends votre étonnement :
Je peux à peine réaliser mon malheur inexorable.
Ecoutez mon récit, pendant que je réussis encore à parler,
Et vous saurez l’incroyable mésaventure.”