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Jean-Pierre LASTRAJOLI

Les Chroniques d'Impelyon. 01. Départ du palais d’Argobal

J’ai quitté le palais enchanté des mille lumières,
Le palais ancestral des Rois Dieux d’Argobal,
Dont les salles aux peintures murales murmurent
Les rumeurs étouffées d’assemblées barbares d’autrefois.
Il dressait ses tours opalines
Et ses remparts aux briques pâles,
Sombres silhouettes sur le disque solaire,
Inondant de ses feux le quartier des artisans
Et la haute-cité,
Dilués dans le dédale diaphane des ruelles interdites.

J’ai quitté les jardins clos, dompteurs d’ombre,
Aux fleurs opulentes, dont les jets d’eau,
Cristal en mouvement,
égrènent les échos musicaux des chants d’écume.
Les suaves senteurs des pétales sucrés
Ont imprimé leur souvenir embelli à l’encre des regrets
Et je les emportai tel un frisson de deuil.
Jusqu'aux portes de la cité,
Sept gardes armés de sabres d’apparat
Et le Maître des Clefs, dans son sarrau d’office,
M’ont escorté, exécutant le décret du Grand Ordonnateur.

Au cœur noir de la foule, cet océan humain, qui charrie
Dans son flot furieux, le suc épicé de la curiosité,
J’ai deviné ton regard embué qui accompagnait les pas
Qui m’éloignaient à tout jamais, sous les huées.

Pleure.
Pleure, mon âme sœur
Et vide ton cœur du tambour oppresseur :
Jamais plus tu ne me verras arpenter les échoppes
Sous les arcades des promenades couvertes
Et traverser les places ensoleillées
Aux merveilleuses fontaines chantantes.
Je laisse tout ce que j’ai connu et aimé
Derrière les hauts remparts cernant la cité multimillénaire.
Du haut de la colline, je cueille cette ultime image
Que j’emporte, comme une fleur séchée
Dans les pages d’un livre,
L’empreinte d’un baiser sur le mot parfumé.

Il me faut oublier, tout effacer,
Car ce que je fus, je ne pourrai plus l’être.
Je jette aux oubliettes les jeux de mon enfance,
Les amis catoniques, les conquêtes d’un jour,
Le blason familial au seuil déshonoré.
J’ai voulu, pour seul souvenir,
L’unique cause de mes tourments,
Mes écrits innocents, estimés,
- si l’on se fie au verdict
Du Conseil des Grandes Familles -,
Pernicieux anathèmes contre l’ordre suprême.

Allons, dès à présent,
Par les sentiers obscurs et les verts ténébreux,
Repoussant rejeton banni, mais non brisé.