Mon Dieu ce monde va dans l'orage et le sang En cherchant à tâtons son chemin hésitant La lueur de l'aube toujours nous est promise Mais la nuit est si longue et chargée de traîtrise La seule lumière c'est celle du canon Qui troue qui tue qui gronde enflammant l'horizon Sortant des ténèbres des armées en haillons Sous le ciel bas d'hiver serré comme un bâillon Etripent égorgent et prolongent la nuit Attendu en Messie l'espoir toujours s'enfuit
Le soleil va venir mais nous ne savons quand Le couvercle de plomb de l'ombre est si pesant Au nom d'une croyance ou au nom d'un drapeau Pour un bout de région la couleur de la peau Des cadavres puants laissés par les moissons Des féroces légions qui ont toujours raison Exhalent dans les airs cette haleine fétide Celle des champs d'horreur des océans de vide Entendez-vous au loin le bruit des tiroirs-caisses Des marchands de canons des semeurs de détresse
Et les amis d'hier aujourd'hui s’entre-tuent Pris dans le tourbillon d'un torrent impromptu Mon Dieu regardez-nous ramper comme des vers Repus de sang de chairs et repus de misère A cet obscur banquet à ce trop long festin Nous buvons l'âpre vin de nos tristes destins Combien de temps encor irons-nous sans espoir Avant d'enfin sortir de la nuit du brouillard Le monde est une arène où l'homme est aussi bien Le lion rugissant que le martyr chrétien