Le vent des avenues pourchasse un papier gras Les maisons en bois blancs aux portes condamnées Aux fenêtres clouées aux pelouses fanées Paraissent désertées par tout un peuple ingrat
Le promeneur paumé dans la rue ordonnée Voyageur dans le temps se devine importun Dans la ville-fantôme d’un Ouest lointain Que manque de veine l’or a abandonnée
Or ce n’est pas la mine ou bien encor le train Qui a vidé les rues et éteint les demeures Si des quartiers entiers soudainement se meurent C’est qu’un mauvais génie vient et les y astreint
Tout est ordre et cruauté, Lucre, crasse et âpreté
Des dieux éphémères du haut de leur Olympe Ont programmé la ruine et la désolation Un suicide étonnant nommé spéculation Propulse hors de chez lui un peuple vers les Limbes
Faramineux calcul dépourvu d’arguments Des actes d’expulsion sur les maisons vétustes Semblent le caprice de quelque dieu injuste Plongeant tous ces foyers dans l’odieux dénuement
L’incurable infection dans la cité entière Sur les ruines d’hier sa ladrerie répand La contagion sans fin s’effectue aux dépens Des gens les moins cotés par la Grande Argentière
Tout est ordre et cruauté, Lucre, crasse et âpreté
C’est un chaste Caïn qu’on chasse du jardin Des anges sans pitié amputés de leurs ailes Appliquent l’arrêté avec fougue et zèle Les farces de l’ordre bénissent au gourdin
Un prêtre dément lit un nouvel Evangile Pour un monde égaré dans le temple excité Soumis à l’Idole frappée de cécité Souverain parvenu titan aux pieds d’argile
Des engins-Léviathans s’en viennent démolir Dans un boucan d’enfer des maisons dépeuplées Une étendue déserte par chacun contemplée Remplaçant la vie que Mammon fait abolir
Tout est ordre et cruauté, Lucre, crasse et âpreté