La Croisière de l'Oubli. 26. Soeur chérie de Byzance
Les échos étouffés d’une fête privée Résonnent dans la brume des canaux, Tandis que la gondole Fend les eaux troubles dans son voyage nocturne. Les palais aux loggias, dont les arcs s’entremêlent, Ne sont que des masses ténébreuses Devant lesquels s’élèvent Les poteaux d’amarrage rayés de rouge et blanc.
Tout respire la conspiration et les secrets, Dans cet univers feutré, replié sur lui-même ; Les eaux noires et boueuses de la lagune Ont charrié bien des cadavres, Qu’une dague attendait dans l’ombre traître d’une cape. Les échos des réunions des ligues, des confréries, Des sectes, et les serments des conjurés résonnent encore Dans les caves et les salles des palais. La ville demeure ainsi depuis des siècles, Déroulant son carnaval et ses joutes, Sœur chérie de Byzance.
C’est d’ici que partit Marco Polo pour la Chine, Revenant d’une vaste terre au levant Vers une lagune oppressante. Ici, des fortunes se firent et se défirent. La soie et les lainages tissèrent un empire. La ville reste et nous passons, Avec nos brumes et nos peines, Nos secrets et nos remords, Que nous étouffons Dans les échos feutrés des fêtes privées.
