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Jean-Pierre LASTRAJOLI

La Croisière de l'Oubli. 20. Le mort en sa demeure

Par un chemin tortueux que j'avais emprunté,
Au hasard d'une humeur vagabonde,
Sur cette bande désertique,
Serpentant à travers les roches calcaires
Et de faméliques buissons clairsemés,
J'étais arrivé, sans trop y songer,
à l'entrée d'une antique nécropole,
Curieusement délaissée en ce jour.

J'entrai, hésitant, mais fasciné,
Et j'avançai, dans le dédale de blocs effondrés,
Passant parfois devant quelque tombe condamnée,
Demeure d’éternité, dit-on,
Souhait d’une après-vie plus belle.
Une chapelle funéraire,
Dont le Service des Antiquités avait laissé
La grille ouverte,
Contenait un cercueil de granit rouge en son centre,
Dont la dalle avait été déplacée ;
Une momie, aux bandelettes soignées et à la pose convenue,
Gisait, en sa vaniteuse demeure au plafond étoilé,
Aux murs dépeignant une vie idéalisée,
Tandis que le défunt n’était plus
Qu’un corps desséché au natron,
Et embaumé de senteurs éteintes.

Ainsi nous serons tous un jour, puantes caricatures,
Ridicules charognes endimanchées,
Et nos mensonges, et nos pêchés
Ne nous serviront plus à rien,
Quand la vermine chiera sur nos habits,
Le festin de nos corps pourris.
Nous pourrons nous parer d’une fausse gloire,
Gravée sur les bas-reliefs, et nous rendre plus beaux
Et importants que nous ne fûmes jamais,
Ou publier des mémoires, où nous deviendrons
Un témoin privilégié du siècle, ayant l’oreille
Des personnages importants qui l’ont marqué :
Nous serons morts et desséchés,
Et les hauts faits que nous aurons décrits
Seront tombés dans un oubli absolu.

Par cette pensée soulagé, je refis le chemin inverse,
Pour retrouver le monde éphémère et grouillant
Des vivants paradant, dans leurs costumes blancs,
Et leurs palaces mondains,
Dieux passagers gonflés d'orgueil.