La Croisière de l'Oubli. 18. L'inexplicable perfection
« Quarante siècles vous contemplent ! » avait dit Bonaparte.
Les pyramides ont pour moi L’aspect froid d’une statue romaine. Je n’y vois que des pierres empilées, Dont le principal attrait Est la prouesse technique et mystérieuse. Des montagnes bâties par la main de l’homme De façon inexplicable. Des dos brisés et des décennies de labeur. Que de travail, pour le repos d’un seul homme.
Les pyramides ne sont que des tombes, - immenses, certes ! -, mais des tombes. Je préfère la poésie du Tadj Mahall, Ouvrage d’amour à une épouse défunte, à l’immensité d’une perfection géométrique. L’inconsolable Chah Jahan fit élever ce délicat tombeau, Rose dans le couchant, brassée de fleurs fraîches Sur le lieu où décéda Arjuna Banu Begum, L’élue du palais.
Les pyramides sont des monuments d’orgueil et de foi, Des ferments d’unité. Le Tadj Mahall est un cri de désespoir, Un refus de l’inexorable mort. La tristesse hante son jardin Et le mausolée de marbre blanc. Faute d’avoir pu faire édifier son pendant Sur l’autre rive du fleuve, Le Grand Moghol fut inhumé à côté de sa compagne. Abou Simbel est plus proche du Tadj Mahall Que des pyramides.
Je me demande parfois s’il est plus douloureux De perdre l’amour de sa vie, Ou bien de ne jamais l’atteindre. Etrange question. Les souverains égyptiens étaient en quête d’immortalité ; Ils l’ont atteinte. Chah Jahan et son épouse également.
Pour ma part, je recherche l’oubli, Sans grand succès.