La Croisière de l'Oubli. 17. Alexandrie sans fards
Nous sommes passés par Malte, Où Bonaparte fit un bref siège Avant de ravir l’Egypte aux Mamelouks, Et de lancer la première expédition scientifique Menée en ce pays. Malte ne m’a pas laissé un souvenir impérissable, Même en songeant qu’il y eut autrefois Les fameux chevaliers.
Nous avons fini par mouiller à Alexandrie. Les rues sont un vrai labyrinthe, Fort étroites, encombrées de marchands, Et envahies d’une population assez contrastée. Des hommes à la peau sombre Côtoient des Arabes, sans oublier les Européens Qui commencent à affluer en Egypte Pour voir ses merveilles, depuis que les Français Ont aidé à restaurer des monuments. A cela, ajoutons des chapelets de dromadaires Et des chiens en grande quantité.
Ce qui attire le plus les touristes Est la découverte de ce monsieur Carter Dont on dit qu’elle est extraordinaire. Voilà un roi dont j’ignorais tout Et dont l’or nous fait croire à son importance. On en parle actuellement plus que Ramsès II Qui régna bien plus longtemps Et de façon plus grandiose sur l’Egypte. Ceci est révélateur de la perte des valeurs, Dans une société qui attache plus d’importance à la réussite financière, Sans se soucier des moyens d’y parvenir.
Alexandrie est assez décevante, somme toute. Je m’attendais à mieux. Il est vrai que le phare a disparu Et que la bibliothèque a été brûlée. Il doit bien rester quelques vestiges intéressants, Mais ils n’ont pas été exhumés. Etonnant de songer qu’ici César et Marc Antoine Ont aimé Cléopâtre et qu’elle s’y est donné la mort. Lorsqu’on voit l’anarchie des ruelles, Il est difficile d’imaginer ces grands personnages, En ces lieux précis, Tandis que les rues étaient somptueuses, Les plus larges et les mieux agencées de l’Antiquité.
Comment sera Paris dans quelques siècles ? Paris qui a toujours tenté de marcher Sur les traces d’Alexandrie et d’Athènes.