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Jean-Pierre LASTRAJOLI

La Croisière de l'Oubli. 16. La peste d'Agrigente

Nous sommes passés à Agrigente
Et avons pu admirer les temples que Champollion
Ne put examiner par la faute d’un capitaine,
Lequel, revenant de Marseille,
Avait affirmé que la peste
Sévissait dans le sud de la France.
Le savant eut beau affirmer
Que Toulon était un port du Nord,
Il ne parvint pas à voir mieux
Que la simple silhouette des ruines grecques au loin.

Si la peste sévissait en ce temps-là, en France,
C’était seulement dans les esprits,
Tandis que les Ultraroyalistes cadenassaient le pays.
Cette épidémie revient de façon cyclique
Et sous des formes différentes.
Après avoir sacrifié une génération aux chants d’horreur,
Cela ne semble pas suffisant,
Et cette victoire, comme la défaite, a un goût amer.
Aussi, certains ne rêvent déjà plus que de revanche.
Les morts ne ressusciteront pas par le sang versé,
Et nous traversons les temples et monuments
De civilisations qui se sont consumées
En de vaines guerres et conquêtes, avant de disparaître,
Ne subsistant que par leur culture
Et non par les clameurs faussement héroïques
Des légendaires batailles,
Dont on ne sait plus trop qui fut le vainqueur.

Sur le bateau, certains des grands esprits
Parlent déjà de la prochaine, où ils espèrent retrouver
Des lambeaux de la grandeur napoléonienne,
Le parfum de la gloire et de la victoire.
Une grandeur marchant au son du canon.
C’est eux qu’on devrait traiter en pestiférés
Et contraindre à l’isolement, dans des lazarets sociaux,
Afin de les empêcher de contaminer les esprits sains,
S’il en reste encore quelques-uns.

En quittant les ruines d’Agrigente, j’ai songé
Que Champollion serait bien déçu de voir
La République s’égarer ainsi,
Lui qui l’avait si peu connue et tant désirée.

Nous sommes souvent déçus par ce que nous plaçons
Sur un piédestal.