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Jean-Pierre LASTRAJOLI

La Croisière de l'Oubli. 13. La Saeta

Mon fardeau n’est pas moins lourd
Que celui des pénitents qui suivent
Les nazaréens tenant un large cierge.
Dans leur robe de bure, encapuchonnés,
Les pieds parfois nus, et les mains gantées,
Ils portent le pesant brancard
Durant douze heures consécutives.

Mon fardeau, je le porte toujours,
La souffrance masquée derrière
Un sourire de circonstance.

Oh, je n’irais pas jusqu’à défier,
Pour la dame de mes pensées, aussi belle soit-elle,
La statue de la madone, et lui jeter mon verre au visage,
Au point de la défigurer,
Comme ce gentilhomme qui fit, dit-on,
Dix ans de prison pour ce sacrilège.

Je me contente d’admirer et de craindre cette ferveur,
Que j’ai laissée derrière moi.
La religion demeure un mystère.
Saint Thomas d’Aquin signala
Que le doute était nécessaire pour asseoir sa foi.

Je promène mon doute au milieu de la ferveur.
La saeta transperce les rues de Séville,
Et les cœurs,
Chanson vibrante, tel un sanglot étranglé.

Ce bizarre cortège traverse la nuit,
Dans la lueur blafarde des cierges,
Imprégné de ferveur et pourtant de joie.
Demain, la ville blanche retrouvera ses chants,
Ses guitares, ses danses,
Et moi, ma peine.