Vos
poèmes

A l'ombre caressante d'un antique olivier,
Je veux dormir fourbu, sur un lit de fougères,
Heureux comme un dieu grec, dans l'air chaud et béni
D'un bel après-midi du début du mois d'août.
Le vol infatigable, incessant des abeilles
Bercera mon sommeil, sans même l'interrompre,
Et le cri, très strident, d'un geai, sur le pommier,
Ne réussira pas à me faire sourciller.

C'est en cet endroit-ci, qu'au tout début du siècle,
Des paysans trimaient à s'en briser l'échine,
Pour faire pousser du blé sur des terres ingrates.
La guerre est venue, et ses moissons de croix,
Et les fiers monuments gravés de noms obscurs,
Liste laide et macabre.
Quel honneur peut avoir un champ
Arrosé du sang des humains ?
Ce ne sont pas simplement des hommes qui sont tombés,
Mais des lignées entières, des avenirs éteints.
Tous les champs cultivés furent abandonnés,
Laissant la place à l'herbe sauvage et inlassable,
Le maquis triomphant.

Ces fleurs sauvages, qui poussent en ces lieux,
Chantent-elles ces échos disparus,
Ces voix emportées dans la tourmente de l’Histoire,
Des destins avalés par de boueuses tranchées,
Tombes à ciel ouvert ?
Ont-elles poussé, baignées des larmes d’une fiancée
Ou d’une mère ?
Ce chant sera inaudible, couvert par les cigales,
Le geai et le vol laborieux des abeilles.
Musique de gaieté et d’une vie néanmoins poursuivie.

Comme un ancien berger, dont le troupeau repose
Sous les yeux attentifs du chien à ses côtés,
Je dormirai tranquille, ma musette garnie
Accrochée à une branche, et mon bâton sculpté
Posé contre le tronc.
Je rêverai, alors, à ces temps pourtant proches,
Qui semblent si lointains, où nous jouions sans rien,
Dans l'ombre et la lumière.

Un brin d'herbe à la bouche et un sourire aux lèvres,
Je dormirai heureux dans mon presque présent.