Tous les matins, je descends promener Ma langueur sur les galets rouges de la plage ; Un chemin, taillé dans le rocher, Mène de l’hôtel à la crique. Dans le soleil tiède de l’aube, le ressac incessant Me berce comme un chant maternel.
Je m’assieds sur mon rocher, Façonné par les faibles marées de la mer fermée, Et je tente de lire. Mon esprit est ailleurs, et les mots échappent à mon entendement : ils parlent de Miss Roseway, Du Consul de France à La Plata.
Le sang bat à mes tempes, tam-tam d’un cœur usé Et désabusé. Trop d’alcools, pas assez de sommeil. Les journées sont trop longues et les nuits Trop courtes. Je brûle la chandelle par les deux bouts, Sans que ça m’apporte plus de lumière.
La jeune anglaise est repartie Et m’a couché sur son journal intime : Je serai le secret qui adoucira La monotonie de sa future vie d’épouse modèle. Le faux pas magnifié permettant de mieux supporter Un mariage de convenance et des enfants, Détestables portraits d’un époux fade. Je serai un moment regretté, Source d’un avenir onirique, sans cesse embelli. L’aspérité réconfortante d’une vie lisse Et désespérément ordonnée.
Je referme le livre et je souris : Quel sera mon secret douloureux Pour tromper la fadeur d’un hiver prédestiné ? Quel mensonge inventer ? A quelle illusion s’accrocher ? L’illusion du facteur qui m’apporte enfin ta lettre Ou celle d’une blessure Plus belle que des petits bonheurs ?
