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Jean-Pierre LASTRAJOLI

La Croisière de l'Oubli. 01. Partir

Poètes, tisseurs d’inutiles ailleurs,
Marmonnées du fond de la nef des fous,
Vos psalmodies shamaniques ont généré
Des envies de voyages vers d’esthétiques exotismes.
Le parfum envoûtant des lendemains incertains,
L’azur des lointains horizons évanoui
Dans une hémorragie de feu, les immenses forêts vierges
Tels des jardins d’Eden redécouverts,
Où de frénétiques singes hurlent leur mystère,
Les savanes au couchant écarlate,
Où les éléphants promènent leur ombre chinoise,
Sont autant de bannières pour les mendiants du Graal,
Lumières mensongères pour des papillons ivres d’absolu.

Tout doucement, le poison insidieux du rêve
D’un autre monde, - où la misère et la peine réchauffent
Leurs os transis et meurtris au soleil,
Sans pourtant changer de nom, et où l’ennui demeure,
Prenant même vigueur -, ce poison annihile l’esprit
Au point qu’il n’est plus qu’une envie,
Qu’un seul espoir qui nous charme : partir !
Le souverain remède, la panacée du rêve.

Par ventrées entières, le vapeur avale
Des processions d’aveugles, tous vêtus de blanc,
Sous leur beau casque en liège et en sureau.
Sur quelque terre, à peine dépucelée, il vomit
Son flot fourmillant de concierges de l’empire,
Et, déjà, sur les pistes désertes,
Les porteurs indigènes promènent leurs altesses
Dépressives, dans la monotonie des jours
Toujours semblables.
L’aventure tant rêvée n’est qu’une fleur fanée
Et son fade parfum leur donne la nausée,
Tandis qu’ils s’oublient dans l’absinthe,
à l’ombre relative des vaines vérandas.
L’âme sombre dans la grisaille alanguie des jours
Trop colorés et des nuits rythmées
Par les cris répétitifs de la faune tropicale.
Mais les plus terrifiants, les plus horripilants
Sont ces myriades d’insectes volant, rampant,
Promenant leurs immondes pattes sur le sol,
Sur les murs, s’insinuant sous les vêtements,
Souillant en permanence de leur écœurante présence
La nourriture.