C'est un petit village en pierre grise et dure Un rocher composé serti dans la verdure Ici le maquis règne en monarque absolu La ronce et la fougère inondent les talus Sous les chênes-lièges et sous les châtaigniers Sous les troncs calcinés des derniers oliviers Au bout du village donnant sur le barrage La maison isolée dresse ses trois étages
C'est là que j'ai passé tous mes jeunes étés Quand nous jouions de rien tout emplis de gaieté Avec ma cousine d'une année mon aînée J'ai traversé l'instant gai et illuminé Comme un soleil couchant flamboyant sur les monts Lourdes masses sombres déchirant l'horizon Je ne savais hélas qu'étaient comptés les jours Des repas en famille et des moments trop courts
Quand la maison résonne aux échos d'une fête Pour la dernière fois où la table est complète Dans un mois un seul mois de retour à la ville Prisonnier malheureux du béton qu'on empile Dans la salle à manger je jouerai calmement Tandis qu'à la cuisine chantant encor gaiement Maman préparera le repas de midi La porte s'ouvrira sans que je sois surpris Que Papa revienne si tôt de son bureau Il parlera gêné et Maman en sanglots S’assiéra sur la chaise abattue comme un chêne
J'apprendrai brusquement que la mort et la peine Frappent également ma famille et ma chair Que s'écroulent parfois les grands-mères si chères Et qu'un plus jeune meure et qu'un plus vieux le pleure Je saurai que jamais ne reviennent les heures Insouciantes et gaies comme un calme sentier Et qu'on ne verra plus le bonheur en entier Les étés reviendront et le village aussi Mais quelque chose aura dans l'air chaud de midi Disparu à jamais en plus de l'insouciance Jamais ne reviendra cette si tendre ambiance