Parfois, on reste hanté par un doux souvenir, Ce spectre languissant que nul ne peut bannir ; Jamais plus, croyons-nous, ne brillera la flamme, Désormais altérée par un terrible drame.
C’est une amputation née d’un triste septembre Nous ôtant désormais l’un de nos quatre membres. Il faut bien des années pour n’y point trop songer ; Car un regret discret vient toujours nous ronger.
Il faut, en vérité, une génération Sans le moindre calcul, sans considération Autre que le plaisir et la plus simple envie De célébrer enfin la merveilleuse vie.
Alors, nous labourons, puis semons pour demain De nouveaux souvenirs et sur un parchemin Léguons à l’avenir cette mélancolie D’un Éden aboli, savoureuse folie.
Quand l’un de nous ira voir de l’autre côté S’il y a un après qu’on a tant radoté, Il manquera un membre à la vaste tablée, Le chagrin inondant nos âmes accablées.
Pourtant, nous porterons en soleil éternel Ces repas de Cène, cet amour fraternel. Quel sublime cadeau qu’un royaume égaré : Nous, qui l’avons connu, pouvons le restaurer.