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Jean-Pierre DESTHUILLIERS

Soutenance de l’Arbre


Beaux arbres féminins au ventre d’aubier tiède
Le miel de votre sève est rivière aurifère
Qui nourrit de mots purs ce germe de poète
Q’un orage rupture un soir expulsera.

C’est vous, arbres enceints aux seins d’écorce blanche
Qui allez lui apprendre, à nager dans les eaux
Très musicalement porteuses de murmures,
Le galop de l’artère et la gamme des souffles.

Arbres à l’ombre lente avide de soleils
Vous tendez vers le ciel l’élan de vos colonnes
Pour en secret construire une arche reins ployés
Qui sera porte d’or aux pèlerins stellaires.

Mes arbres métissés, forêt touffue d’oiseaux,
Votre effort aiguë forge en le fer bleu du ciel
La forme du destin et le chiffre éphémère
Qui désigne une force en la paume des feuilles.

Arbres, apprenez-moi à écouter la mer
Et à goûter l’amer que la vague et le vent
Sur ma bouche entrouverte en embruns élaborent
Pour donner goût de vrai aux voix de mon poème.

Ô mes arbres têtus, gardiens de mes moissons,
Avoines à foison, pivoines en fusion,
Bétoines en frissons que froissent les cétoines,
Vos ombres floues ponctuent le champ de ma récolte.

Chers arbres ô mes amours en robe de bruine,
Trembles sous la trempée, charmes sous la chablée
Avernes sous l’averse, ormeaux sous les orages
Vous vibrez sous les pluies qui lavent vos gerçures.

Arbres roux au levant solaires sémaphores,
Arbres blancs que midi en cascade éclabousse,
Arbres mauves au soir que la lune caresse,
Vous épousez votre ombre aux noces de la nuit.

Arbres harmonieux, ma famille affermie,
Souche à souche enchâssée dans la chair de la terre,
J’écoute grésiller le feu de vos serments
Comme sarments d’hiver que le serpeau refend.

Et moi, diseuse de gués, guetteuse d’ondées,
Immobile au milieu du temple clairière,
J’attends le temps sacré de l’enracinement
Qui va me transmuter dans la splendeur de l’arbre.


Le François Coppée
20 octobre 2000
A Francine CARON