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Jean-Michel BOLLET

Un amour de Roger

La curiosité me dit d’interroger
Tous ceux qui ont le front soucieux et qui pensent
A des cochonneries et trop souvent dépensent
Une énergie folle qui atterre Roger.

Car lui, ne songe qu’à bûcheronner le bois,
A placer des collets, à élever ses poules,
Le pigeon qui roucoule et le soir tu le saoules
A raconter ta vie et il te dit « tu bois ? »

Il te sert un verre de Sancerre en riant :
« Allez, mon fils, cul sec et que brûlent ta gorge,
Ton intestin moins gros que l’intestin de George
Qui connaît mon pâté dont il est si friand. »

Au foot, il tenait le poste d’inter, Roger,
Et avec l’œil de l’aigle, il effectuait la passe
En maîtrisant autant la distance et l’espace
Si parfaitement qu’on pouvait s’interroger.

La crainte de Roger est d’être délogé
Par le préfet, l’armée, la police ou le maire
Pour s’en retourner vivre avec sa pauvre mère
Et son vieux père aimé artisan-horloger.

J’eusse adoré qu’il fût baptisé Luc-André
Ou Blaise-Hippolyte, comte de Saint Hilaire,
Vivant dans un palais où la lumière claire
Et n’attire qu’un duc au château effondré.

Mais, il ne s’appelle pas mieux qu’un simple Jean
Et vit dans un logis qu’une cabane pire
Impossible à céder même pour un empire
A un bandit dont le nom serait Jean Valjean.

François semble étonné de le voir ramasser
Champignons, glands, marrons, myrtilles, mûres, fraises :
« Moi, je suis président des provinces françaises
Et pour énumérer tout ça, je rame assez »

Et Roger lui rétorque : « achète des bouquins
Et tu trouveras tout ce qu’on dit sur l’écorce
Du chêne-liège et du saucisson d’âne corse
Et pourquoi Danièle a en horreur les rouquins. »

Il est minuit moins quatre et notre homme s’éteint
Après nonante années passées avec les merles,
Les sapins, les lapins, les innombrables perles
Courant sur son ruisseau et sa chaise en rotin.

Entendez-vous chanter chouette-effraie, hibou ?
Voyez ce petit nez collé à la fenêtre
Eclairé par la lune ; oh, Roger tout ton être
Est porté par le Bois, tout ton Bois est debout.