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Jean-Michel BOLLET

Si bien né

Autour de son berceau, les visages penchés
Sont attendrissants de candeur et de sourire
Puis fusent des rires énervés, déclenchés
Par bébé à l’aspect impossible à décrire,

Paraissant à la fois étonné de l’attrait
Suscité par autant de statures géantes
Et un peu effrayé par ces faces aux traits
Qu’il n’a pas rencontrés dans les hanches béantes.

Il plie, déplie jambes, bras, secoue mains et doigts
Qu’il agite et monte à la joue et à la bouche,
En sentant bien qu’il est regardé et qu’il doit
Montrer qu’il n’est pas un petit bonhomme louche.

La mère est fière et prend l’assistance à témoin :
Il est aussi rose et vif que sa sœur aînée
Et me ressemble point par point mais avec moins
De cheveux que j’avais le jour où je suis née.

Le père est fier et ajoute avec un bémol :
D’accord mais il a le corps d’un haltérophile ;
Je ne le vois pas s’élever dans le formol
Et se laver avec un coton hydrophile.

Chacun de s’esclaffer, de s’enthousiasmer :
Il a tout pour lui, il est si joli, si tendre ;
Il fera tourner les têtes et fantasmer
Ses amoureux qui n’en finiront pas d’attendre.

Les agglutinés, peu à peu, sont invités
A passer à table où les tasses voient que fume
Le café préparé pour la nativité
Dont la suave odeur la cuisine parfume.

Ainsi naquit José entouré par les siens,
Les voisins, les cousins venus en limousine
Et le dimanche, à la messe, les paroissiens
L’ont vu tenir la main d’une vieille cousine.

Oh ! Il n’a certes pas manqué d’affection
Et a décroché un bon métier dans la banque
Mais l’a gagné une terrible infection
Qui l’a privé avant d’être de tout en manque.

Il a vomi du sang, un matin de mi-juin
Pendant qu’il étendait sur du pain frais du beurre
Lui qui ni buvait de vin ni fumait de joint
Se dit « je suis certain que mon bon coeur se leurre… »

Il y a sûrement maldonne quelque part :
Mon hémoglobine est à l’aise dans ma veine
Et m’aurait prévenu le jour de son départ
Afin de m’éviter d’affronter la déveine.

Il se résout donc à évoquer le poison
Qui transforme le cœur en écorces de pierre
Et subtilise le ver de terre à l’oison
Quand, innocent, il vient de fermer la paupière.

Et c’est en juillet-août, qu’il perd la vue d’un œil
En mirant le soleil brillant dans la nuit noire
Et conclut qu’un malin pétri d’un vieil orgueil
Veut lui faire croire à une vilaine histoire.

Sa rate disparut, partie il ne sait où
Pendant qu’il faisait la sieste au bord d’une mare
Alors, vers le ciel, il s’écria « dis, c’est tout ?
Je débute en douleur et j’en ai déjà marre !

De ses yeux s’écoula de l’urine de bœuf
Et de son fondement de la bouse de vache ;
Il se cloîtra chez lui et cassa œuf sur œuf
Qu’il goba mêlés dans un litre de grenache.

De lui s’écoulèrent des tableaux de Poussin,
Des couleurs ignorées par une église humaine ;
Il avala tout cru la poule et son poussin
Et cloua les volets qui gardaient son domaine.

Ce n’est qu’en avril ou peut-être à la mi-mai
Qu’il alla tuer un Juif à la synagogue ;
Pendant tout l’hiver, devant sa glace il mimait
Les consignes dictées sur le net démagogue.

Je n’en dirai pas plus, les flics l’ont circonscrit
Avec le doc des psy testé par la science ;
D’après les nouvelles, il se dit qu’il écrit !
Comment ? Un fou aurait-il une conscience ?

Il est vingt heures ; les média ont suicidé
L’assassin condamné par la bonne pensance ;
Oui, c’est élucidé : Le gars s’est trucidé…
Hara kiri, tu sais ? Un couteau dans la panse.