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Jean-Michel BOLLET

Quelle épaisseur de nuit !

Quelle épaisseur de nuit autour du réverbère
Inapte à découvrir un mètre de trottoir…
Francesco parle avec Abdullah le Berbère
De leurs petites vies dans la ville-dortoir.

A leurs pieds, la lampe jaune en haut trace une ombre
Etroite et allongée (presqu’aussi grande qu’eux)
Qui leur colle aux souliers pour augmenter le nombre
D’une réunion de deux non belliqueux.

C’est que l’Italien et l’immigré d’Afrique
Troquent leurs points de vue, les photos du pays,
De méditerranée, d’atmosphère féerique
Et des melons juteux qui sont très tôt cueillis.

Ils n’ont pas le loisir de jouer à la guerre
Et se prenant la main, jouissent de leur paix
Au sein d’entités au comportement grégaire
Fruste et rude souvent mais usant du respect.

Ils se comprennent par l’émoi de la lumière
Emise par le blanc de leur œil qui sourit
En se fixant sur eux sans bandeau, sans œillère…
Cet échange suffit quand qu’un peu les nourrit.

Ils regardent leurs dents blanches bien alignées
Et leurs langues roses sorties furtivement
Et sont fiers d’être issus d’une de ces lignées
Modelées en beauté superlativement.

Attire le halo du haut quelques insectes
Se heurtant au globe de verre transparent
Egal au vert luisant vernis mis par les sectes
Aveuglant les enfants lâchés par leur parent.

Mais leur tradition islamique et chrétienne
N’a rien à cacher : leur amour est partagé
En proclamant qu’il faut que chaque être détienne
Sa dignité sans qu’il soit désavantagé.

Le réverbère pousse un peu la nuit épaisse
Et laisse jusqu’à lui monter des bruits de voix.
Il - sans ces insectes - se sent telle une espèce
Détachée du sol sans entendre ce qu’il voit.

La lumière n’a pas les yeux du réverbère
Fixés doux sur le cou brun de l’Italien
Et le bras court et les mains brunes du Berbère
Qu’il prend pour les membres d’un jeune Malien.

Francesco, Abdullah sont sous un lampadaire
Qui ne manque pas d’air en donnant sa lueur
Rappelant au second le dos du dromadaire
Dont la lune le soir éclaire la sueur.

Abdullah, Francesco sont accompagnés d’ombre
Offerte abondamment par un globe perché ;
Ils voient clairement que tout en eux rien n’est sombre
Et dans leur blanc des yeux ont ce qu’ils ont cherché.