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Jean-Michel BOLLET

Ô mon fils

O mon fils, je te vois et te tiens dans mes bras
Et je n’en reviens pas de cette beauté tendre
Qui vient d’éclore ; je n’en pouvais plus d’attendre
Le vengeur d’un papa au destin si ingrat

Dont le père était un maître orfèvre-horloger
Qui avait dans les mains plus d’or qu’en Tanzanie
Et dans la tête, la fête et la zizanie
Toujours impossible aux amis à déloger.

Je suis donc son garçon identique en tout point
Sauf que se plaisent mieux mes doigts de la main gauche
Que ceux de la main droite enfoncés dans la poche
Et aucun ne peut se rassembler dans un poing.

Ma mère disait « il n’est pas très manuel
Et ne peut tresser des nattes avec du lierre
Mais il sait ciseler des vers à la Molière
Et chanter la venue de Dieu l’Emmanuel.

O mon fils, tout ça ne mange pas bien de pain
Mais toi, tu te nourris du lait frais de ta mère
Pendant que j’avale des règles de grammaire
Et que je rêve de gigot et de lapin.

Mon père à moi est mort d’avoir bu trop de vin
Et quand on presse le nez de ton papa coule
Une goutte de lait ; écoute qui roucoule :
C’est la tourterelle… Oh ! Ce matin est divin !

Tu dors sur moi et tu entends l’oiseau de paix
Raccommoder l’accroc de mes lignées anciennes
Et sa mélopée vient d’antiques magiciennes
Qui ont changé un bœuf en agneau quand il paît.

Si avaient été tes géniteurs moins peureux
Je pourrais te laisser seul ramper ventre à terre
Jusqu’au volcan bavant la boue de son cratère
Brûlant vos flancs hurlant : souffrir mais être heureux !

Mon garçon, tu viens de mouiller mon radius ;
Je vais donc te sécher… mais, tu es une fille !
Mes yeux sont grand ouverts et ronds comme une bille :
Avais-je besoin de te faire un tel laïus !?

Pourquoi ne pourrais-tu, après tout, me venger
Avec la puissance de ta féminine âme
S’opposant à celle du mâle qui se pâme
Devant la lâcheté cachée sous le danger ?