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Jean-Michel BOLLET

Ver et non point homme

Non point homme mais ver, tu n’es qu’un poing de terre
Et tu devrais te taire en tant qu’allocataire
D’un espace réduit qui n’a fait de toi rien
D’autre qu’un freluquet, un maigrelet terrien
Dépassé par les grands singes et les girafes
Occupant les salles des cinématographes
Qu’on voit vivre dans la savane et la forêt
Et qu’enfant – fasciné, charmé – tu adorais.
Maintenant, tu tues tout : tu sais que ça se mange ;
Ton estomac, ton foie, tout en toi te démange ;
Tu mets aussi à mal le géant éléphant,
Le buffle, le bison, la biche avec son faon,
Le zébu, la gazelle et tous les herbivores,
Le tigre, le lion, comme toi, carnivores
Et dans l’eau, les poissons, surpris dans tes filets
Ou par les hameçons courbés et effilés
Qui piquent leurs palais ou arrachent leurs gueules
Et quand ils sont absents, morbleu, tu les engueules :
« Pas un seul ban de thon ? Dites, bande de thons
Et de sardines, je vais élever le ton :
La mer est vide ou quoi ? A part cette baleine,
Trop grosse à mon goût et donnant mauvaise haleine…
Tant pis ! Je vais aller ramasser quelques noix
Que ne connaissent pas les mandarins chinois
Qui préfèrent le chien et les nids d’hirondelles
Sans vouloir savoir ce qui les nient diront d’elles.
Ici, j’ai les fruits des palmiers et des pommiers,
Le miel des abeilles et les pigeons ramiers,
Les champignons des bois, le produit des étables
(Le bon lait des vaches) et le roi de nos tables :
Le jus de raisin qu’on a transformé en vin
Et dont on s’efforce de se passer, en vain. »
Alors, tu te moques des singes, des girafes :
Le ver que tu fus sait verser dans des carafes
Du Gevrey Chambertin pris pendant les repas
Autant que dans le nez qu’un puma m’attrapa.