Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Jean-Michel BOLLET

Martine

Ce nouveau matin m’a rendu plus vieux
Et je n’irai pas visiter la rose
Guillerette sous ce ciel pluvieux
Qui après l’avoir repérée l’arrose.

Chez moi, j’ai le toit, le chien et le chat,
Une radio, la chaise et la table ;
Ma voisine me fait parfois l’achat
A Leclerc grâce à un cœur charitable.

J’ai besoin du lit le jour et la nuit
Même s’il ne vit pas dans la cuisine
Et sa compagnie pousse mon ennui
A espérer que vienne ma voisine ;

Mes animaux ont museau au carreau
Et je vais voir où leur regard se porte ;
Le chien, résigné, se tient à carreau
Car il sait que je n’ouvre pas la porte.

Un jour, une voix, m’appela : « ça va ? »
J’ai dit « Qui est là ? C’est du démarchage ? »
- Non, je suis témoin du Dieu Jéhovah
Qui vient élaguer votre vieux branchage.

J’ai pensé : chapeau ! Il a de l’aplomb
Doublé du sens de la formule heureuse ;
Mais, il a reçu dans sa cuisse un plomb
Et s’est envolée cette âme peureuse.

Apparut à la fenêtre, un matin,
La face embellie d’un vrai socialiste
Que j’ai démasquée (il avait le teint
Rosé comme est bleu un capitaliste.)

Le coucou sortit de l’horloge en bois
Et chanta trois fois en guise d’alarme
Pour que ce triste fuie mis aux abois
Qui voulait user de sa si sale arme.

Hein ! Mon chien, c’est bien de vivre chez soi
Quand l’ennemi prend le maquis et chasse
A la fois tout ce qu’il sent et perçoit
Comme meilleur que héron, grive, échasse.

Tiens, je vais jusqu’au réfrigérateur
Qui sera ma vraie seule promenade
Et je passerai mon aspirateur
Après avoir bu une limonade.

Et toi, que veux-tu, chat ? Une souris ?
Cherche dans le trou en haut de la plinthe ;
Tu sais qu’il n’est pas plein et je souris
Car tu ne peux pas sortir porter plainte.

Ta queue chatouille ma bouche, mon nez
Puis tu pousses ta tête sur ma joue ;
Voici que tu te mets à ronronner
Car mon front sur ton dos de puma joue.

Table et chaise sont restées sans parler ;
La vitre est frappée par la pluie ; sa larme
Glisse et veut entrer ; elle peut perler :
Je ne cède pas, même sous son charme.

L’horloge se tait ; la boîte à chansons
A perdu sa voix en suçant sa pile ;
Je l’écoutais dire : « allons don’, dansons !
Avec ce disque au-dessus de la pile. »

J’ai bien mal aux reins depuis samedi
Et j’aimerais bien qu’arrive Martine,
Ma voisine… (Oh oui ! Comme ça me dit !)
Qui acceptera ma fine tartine

A croquer à deux les yeux dans les yeux
Puis je m’étendrai sur mon lit de paille
Et sentirai ses doigts consciencieux
Me chauffer la nuque et brûler ma taille.

Mais, il est l’heure d’aller me coucher,
La pluie est entrée, le vent l’a poussée ;
La fenêtre bat ; on frappe un coup chez
Moi ; Martine entre, toute éclaboussée

De la tête aux pieds avec à la main
Un gros couteau suisse et plonge sa lame
Dans le cou roux du chien nommé « Gamin »
Qui hurle ; le chat plus qu’ému rend l’âme.