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Jean-Michel BOLLET

Marie-Louise

Marie-Louise était née en mil neuf cent onze
Et entre deux devoirs, elle apprit ses leçons
D’histoire, de grammaire et des statues de bronze
Des grands hommes d’hier qu’aujourd’hui nous laissons

Marie-Louise était une simple ouvrière
Qui usinait les bons cochons en saucissons
En pâtés en jambons et disait sa prière
Dans sa cuisine quand carotte et sauce y sont

Marie-Louise était exigeante en Voltaire,
En Rousseau, en Boileau et ne comprenait pas
Qu’on pût s’exprimer à la place de se taire
Quand déclament des vers brillamment les papas

Marie-Louise avait la haine du vulgaire
Qui s’associe aux mots-caniveaux de l’argot
Et avait conservé ce loin instinct grégaire
Eprouvé par les coqs dressés sur leur ergot

Marie-Louise avait les temps en concordance
Et faisait suivre après que de l’indicatif
Mais ne voulait jamais que son abscons corps danse
Si le subjonctif n’est ici qu’indicatif.

Marie-Louise était allée à l’Elysée
Où elle fut reçu par le jeune voyou
Qui eût pu gagner des lauriers au Colisée
Enivré de bravo, de viva, de youyou

Marie-Louise était revenue dépitée
D’un entretien avec ce très mauvais parleur
Gouailleur, égotique et s’est précipitée
Là où vit l’ami qui imite un singe hurleur

Marie-Louise avait ri et s’était remise
De cet épisode où les chagrins sont atteints
Puis elle alla scier du bois dans sa remise
Avant de préparer une tarte Tatin.

Marie-Louise avait la plus belle richesse
Amassée dans l’esprit et dans le cœur aussi
Et sa seule ennemie n’était pas la duchesse
Mais la bassesse qui croit avoir réussi.

Marie-Louise avait tout raté dans sa vie
Pas de portefeuille pas de bons du trésor
Mais son succès était d’avoir toute sa vie
Elevé son esprit et chassé dehors l’or.

Marie-Louise était avec l’analphabète
Qui sait ce qu’est un sou mais tait fric et pognon
Considéré par le pou qui triompha bête
Ane à manger du son sans ail et sans oignon

Marie-Louise avait eu le certificat
De ses études dont elle fut la première
Et chantait le rosaire et le magnificat
Quand la vierge Marie venait dans la lumière.

La forme du poème a changé je l’accorde
Afin de montrer qu’un enfant n’est pas ingrat
Et mettra des années à sauter à la corde
Que sa mère a tissée avec des boyaux gras.

Marie-Louise était une espèce de sainte
Qui du ciel pardonne aux méprisants aux haineux
Le dimanche elle avait sa gorge blanche ceinte
D’une chaîne aux maillons moins serrés que nos nœuds.

Je te salue maman qui t’appelait Marie
Et Louise étant le féminin de Louis
Porté par un roi qui voulait que se marie
Le cœur avec les yeux des esprits éblouis.