Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Jean-Michel BOLLET

Ma belle voix

Ô belle voix, je t’ai chantée le soir, à l’aube
Et l’après-midi dans les bois, sur les chemins ;
Avec toi, j’ai marché, j’ai parcouru le globe
Et j’ai même croisé deux demi-dieux romains.

Un matin, pourtant, pfft, tu es partie en ville
Et j’ai eu un mal fou à te récupérer ;
Je t’ai retrouvée au coeur de Decazeville
Devant un hôpital pour te faire opérer.

Quel était le sujet de ton anxiété
Quand, encore hier, tu imitais la mésange ?
Etait-ce dû au froid qui traversait l’été
Bien avant l’heureux temps de la grande vendange ?

Je t’ai reprise et t’ai remise bien au chaud
Tout au fond de ma gorge entourée d’une laine
Et ma bouche, à nouveau, avec toi, fit son show
Par le truchement de la simple cantilène.

Un pinson écouta et le ruisseau dansa ;
Un vent d’ange emprunta tes accords sur son aile
En passant près de nous et d’un coup s’élança
En emportant avec lui une coccinelle

Perchée sur une fleur jaune de pissenlit
Mariant son dos rouge et noir à un pétale.
Toi, ma voix, tu crias : « Vent, tu es impoli,
Tu commets un délit et ton aile détale,

Tu ne manques pas d’air : rapporte ma chanson
Et la petite bête à bon dieu qui se berce
Innocemment ; je te paierai une rançon
Immédiatement ; viens que je te la verse. »

Et le vent répondit : - je t’envoie une brise
Car je suis déjà loin, m’entends-tu ? Hou, hou, hou ;
Elle vient doucement mettre fin à ta crise
Et tu chanteras de nouveau avec le loup.

Tu n’auras plus besoin de circuler en ville
En te cognant sur les hauts murs de ses maisons ;
Je n’ai rien, tu sais bien, contre Decazeville
Ni contre l’Aveyron aux si belles saisons.

Mais, si tu veux du soin, du profit, de l’espace
Et que le bec-croisé t’entende dans le pin,
Prends garde à moi, le vent, l’invisible rapace
Qui vole et qui s’envole à la cime du pin.

Quand tu m’entends hurler, dis-toi : c’est son métier
Et quand je siffle, pense : il rase mont et plaine ;
Toi, tu as été le trésor du savetier
Quand la cassette du financier était pleine.

Continue de monter, descendre et visiter
Montagnes et vallées où s’aiment flore et faune ;
Lance-toi, n’aie pas peur, donne sans hésiter
Ton meilleur et tant pis si tu deviens aphone.

- Hé, vent, dis-moi, je hurle aussi avec le loup
Et toi également ; alors, on se ressemble ?
- Sapristi de voix, moi, je ne vaux pas un clou
Et je ne nous vois pas nous promener ensemble.

- Insolente voix, avec qui conversais-tu ?
Rentre dans ma bouche et redescends dans ma gorge ;
En ce moment même un rossignol, le sais-tu,
S’entretient avec un geai et un rouge-gorge ?

Ecoute-les avec un infini respect :
Ces créatures sont nées du dieu de la bible !
Ne sors uniquement que pour clamer la paix
Et chanter la rivière à l’eau claire et paisible.

- Etre de chair et sang, j’étais avec le vent
Dont le souffle est ample et vaste son territoire ;
Je reste dans ta gorge et ta bouche est devant
Moi ; mais je veux pouvoir choisir mon auditoire.

Alors, pitié, laisse-moi de la liberté
Et j’essaierai d’avoir une attitude digne.
- Ô, ma belle voix, tu m’as tout déconcerté ;
Va voir le vigneron : aide-le à sa vigne.