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Jean-Michel BOLLET

Liberté !

Ils ont écrit partout, appliqués, sans crier,
Des mots rouges de sang, en lettres majuscules :
« DEFENSE DE CHANTER, DE RIRE ET DE PRIER »
Sur les murs, au fronton de tous les édicules ;

Ils ont écrit partout et gravé dans le marbre
Des statues, des parvis, des clochers élancés,
Aux médailles d’enfants, aux écorces de l’arbre :
« Défense d’être ivre et défense de danser »

Nous évoquions le droit autant que le devoir,
Mais sans savoir les mots qu’il fallait pour les dire ;
Certains savaient l’endroit où était le pouvoir
Qu’ils nous cachaient, les sots, en voulant interdire.

Oh, redis-moi ce temps ou rien n’était construit,
Pas de route en forêt, pas de chiens dans les niches,
Pas de fleurs de salon, pas de concierge instruit
Mais des buis, des genêts dont nous étions si riches.

Redis-moi (Tu la vois ?) la cabane de chêne
Où le vieux ne sortait que la tête et le cou
Dans l’entrebâillement d’une porte sans chaîne
Nous disant sans ses dents « Venez boire un p’tit coup »

Raconte-moi la pluie, un matin de novembre,
Comment c’était le jour avant leur fameux soir,
Le voile de la nuit sous un ciel rouge et ambre,
Les cailloux de la Loue acceptant de t’asseoir.

Je repense aux châteaux de Meursault, de Bordeaux
Où le raisin joyeux pousse au chaud dans la vigne
Dans de longues allées alignées au cordeau
Que l’on vendangeait quand le temps avait fait signe.

Ils sont venus chez moi avec leurs camarades
Et leur liste de noms, dont le mien et le tien
Mais je n’ai pas eu peur de ces gars rétrogrades
Car brûlait dans mon cœur la flamme du chrétien.

Ils sont venus chez moi habillés tout en gris
Et on jeté au feu mes disques et mon Livre ;
Sur ma poitrine, ils ont écrit ces fils d’aigris :
« ATTENTION, DANGER, CET ENRAGé VEUT VIVRE »