Les enfants s'en vont
Ils quittent la banlieue sans qu’ils furent convives
Dès l’aube, la bande des grands adolescents,
Le front haut, les pieds nus dans les champs d’herbes vives,
L’œil pétillant ouvert sur l’air fouettant les sangs,
Les frissons picotant la moelle, bouche bée,
Rêvant de sources bleues, de continents nouveaux,
Ils s’en vont, sans adieu, la poitrine bombée,
Franchir plaines, ruisseaux, forêts, par monts, par vaux.
Ils ont en eux le feu pour brûler le vieux monde
Aux racines rancies dans un sol abîmé
Par la déjection qui - désormais - abonde
Partout où le respect a été supprimé.
Ils chérissent le juste et méprisent le lâche
Et prient pour que ton règne arrive – enfin - Seigneur :
Sois sûr qu’ils oseront laver à fond la tache
De sang séché causée par l’arme du saigneur.
Ils marchent, les ados, sac au dos, en chantant
Sous un ciel radieux dans une douce brise
En suivant les sentiers des bergers de cent ans,
Des vachers, des bouseux sur qui le fer se brise.
Ils scrutent l’horizon effiloché de rose,
De traînée orangée pénétrée de soleil
Et dans les prés le blé au blond épi explose
Sans bouleverser le coquelicot vermeil.
Ils sont partis pieds nus, dans leurs manteaux d’aurore,
Ces enfants mis au ban dans de grands bâtiments,
Les cheveux ondulants, l’éclat de voix sonore,
Le cœur tout neuf empli de nobles sentiments.
Voyez : chacun est le mien, le vôtre, le nôtre
En train de bâtir un monde où la nuit voit jour,
Sans pelle, sans pioche, sans Mansart, sans Le Nôtre
Mais sur les lèvres des débordements d’amour.
Jeunesse au regard droit, dévoile tes atouts !
Nous sommes fiers de toi : enseigne-nous la vie
Où ne naît pas l’effroi : nous avons cru à tout
Et portons notre croix : redonne-nous l’envie !
Gorges aux rires clairs, réveillez les campagnes !
Mélopées aiguisées, transpercez les aciers !
Enfants, soyez l’eau pure et fraîche des montagnes
Et luisez sur les blancs névés et les glaciers…
