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Jean-Michel BOLLET

Les civilisés

Les civilisés se déplacent en voiture
Et n’ont plus l’idée de marcher dans la droiture
Avec leurs petits pieds au chaud dans des souliers
Déposés aux pieds des sapins par milliers.

Ils ont réfléchi à la fatigue incessante
Qui s’attarde chez le nomade et la passante
Et conclurent que pour atteindre du pain frais
Ils devaient engager pour le moins quelques frais.

Autos, motos, bateaux surgirent de leurs têtes
Et des chemins ferrés aux épopées secrètes
En partance pour la brillance et le clinquant
Plaisant à l’innocent autant qu’au délinquant.

Les civilisés n’ont plus le goût de l’effort
Mais fabriquent les clés qui vont au coffre-fort
Et ne traînent plus leurs chaussures dans la terre
Par crainte de commettre un suprême adultère.

Les dits civilisés, surtout ceux des cités,
Ont, malgré eux, été trop partout incités
A rester confinés, minés dans leur bagnole
Au lieu de danser la gigue et la carmagnole.

La terre est basse et le bassin dur à plier
Et les vieux paysans étaient mûrs à lier
Les blés et à coller leur nez au cul des vaches,
Comme les bûcherons aux troncs avec leurs haches.

Les si vils aisés ont voulu pousser les bœufs
Ailleurs que dans les gras pâturages herbeux
Entourant bourgs, hameaux, lieux-dits, petits villages
Où ils s’unissaient deux à deux en attelages.

Et ces si doux bovins n’habitant plus dehors
Ont été déplacés vers un grand lieu de mort
A visiter au moins une fois par semaine
En pièces détachées ; ah ! quel chambard se mène…

Les vrais civilisés vont au ski en hiver,
Au soleil en été et se mettent au vert
Le restant de l’année puisqu’il est nécessaire
De fêter fériés, mariage, anniversaire.

Un préposé zélé, se rendit en Asie
Non pas sur le dos d’un chameau avec Zazie
Mais dans un avion qui prit mille grains (de riz ?)
Qui commirent un bruit qui lui fit le teint gris…

Ce n’était qu’une pluie et puis il atterrit
Auprès d’un peuple gai mais sans Dieu (l’athée rit)
Zing Tao lui a dit : « C’est pour la céréale
Qui ne croît pas dans ta région boréale

Que tu viens alors qu’on l’envoie toujours chez toi… ?
- Non, je suis un touriste et j’ai quitté mon toit
Dans la chic idée de visiter ta rizière ;
- Ah ! Le Chinois se noie, là, c’est son cimetière

Et j’habite tout près ; regarde ma maison
De brique et de torchis - pas très jolie - mais on
S’en contente et j’arrive, ici, sans bicyclette
Pour faire cent mètres et sans force d’athlète.

- Mais tu n’as pas envie de découvrir Paris
D’un coup d’aile ? Ah, non, le paysan n’a pas ri :
- Tu as perdu ton sol, le nord et la boussole
Et tu voudrais, en plus, qu’un Chinois te console ?

Si par la marche, tu étais venu me voir
Pour me demander la sagesse et le savoir
Que t’a certainement enseignés ton ancêtre
Que tu as oubliés pour en déchéance être,

Je t’aurais dit : « homme, tu es dans le brouillard
Et tu te crois bien plus malin qu’un débrouillard
Mais le monde souffre que la terre se meure
Sans plus pouvoir offrir riz, bon beurre et demeure.

Monter océans et mers tes enfants verront
Et ne seront plus que les poissons des vairons ;
Assèche, déjà, Râ, la toundra, la savane
Et l’animal s’en va en longue caravane.

Voyageur d’un autre temps, écoute, va-t-en
Et retourne chez toi : ta famille t’attend
Pour que tu déposes tes petites chaussures
Au pied du grand sapin qui recoud les blessures

Et tes enfants auront les yeux émerveillés
Après avoir été, au matin, réveillés
Par les trolls et les fées de ton humble contrée

Peuplée d’animaux, de végétaux, de plans d’eau
Composant un poème aussi beau qu’un rondeau
Et la sérénité, tu l’auras rencontrée.