Les autres
J’arrive chez moi et je referme la porte ;
Comme tout un chacun, j’aime assez papoter,
Larmoyer, rigoler (pas sur la papauté)
Mais, franchement, chez soi et seul, on se supporte.
L’aventure, c’est sûr, donne le feu, la flamme ;
On se découvre un peu car on est curieux ;
Ah ! Ce gars est sympa et que ses yeux sont bleus !
Mais, est-ce qu’il assure avec la jolie femme ?
Et s’il était homo ? J’en serais lessivée !
Non, c’est impossible, il a un cou de taureau
Qui séduit la laitière et créée du tort au
Gagnant au départ et perdant à l’arrivée...
Ouf ! Quel après-midi ! Ma soirée, c’est télé ;
L’autre qui ne vient pas : je serai bien tranquille ;
On s’engueule : pardi ! C’est un cas difficile ;
Mon couple ne tient pas ; j’aimerais dételer.
J’en ai marre du chef : « fais ton métier d’hôtesse,
Me dit-il et souris au client fortuné
Même si ton esprit se sent importuné
Par son air aigre aussi méprisant qu’une altesse ! »
La zapette est tombée et la pile est usée ;
Après tout, c’est tant mieux, je lirai Charles Cros
Alors que de Mussot, mon bon John a les crocs
Qu’il ne plante pas dans les tableaux de musée…
Car, à part Tintin et ses copains du dimanche,
Sa musique de ouf et ses airs de crâneur,
Il se croit le meilleur en volant en planeur
Au-dessus d’Aurigny, une île de la Manche.
Dix heures ont sonné ; zut, je suis un peu lasse ;
Ma soirée est gâchée ; oh, non, finalement,
J’étais accompagnée, au moins mentalement
De beaux songes d’été qui ont pris de la place.
Je me méfie assez des gens, surtout du mâle !
L’enfer, c’est les Autres, qu’un type, à part, a dit ;
Moi, je m’aime moi-même et dans mon paradis
Mon rêve est tourné vers la mère Eve animale…
Parfois, on me parle sans me dire de mal,
D’autres fois, on me fait pleurer car on me saoule
Alors, sur ma joue qui attend des bisous coule
Une larme venue du conduit lacrymal.
Un philosophe a dit (sans être contesté) :
Méfiez-vous de celui qui porte un slip en laine
Car il a des chances d’avoir mauvaise haleine ;
Arrangez-vous pour que soit ce conte testé. »
Je lui donne raison mais sans le démontrer.
Si la télé me fait rêver je crois par contre
Que ceux qu’on voit en vrai, on les voudrait tout contre…
« Allô, John, est-ce toi ? Peut-on se rencontrer ? »
