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Jean-Michel BOLLET

Les arbres vieillissent aussi

Le beau charme alourdi du poids de ses années
Ne sait pas s’il sera en vie demain matin.
Il retient ses branches qui étaient si bien nées
Par crainte que ne les casse un diablotin.

Et son ami le chêne au corps dégingandé,
Branches sur les hanches, tordues ou à l’aplomb,
A l’âme désolée aux pleurs des nouveaux-nés
Réclamant du lait frais au cœur de ses bourgeons.

Ah, ce hêtre au bois dur dont on fait les armoires,
Aussi dur que la tête de ces bûcherons
Qui griffent son écorce en serrant les mâchoires
Des outils d’acier aux dents qui mordent les troncs.

A la tombée du soir, les géants vont pleurer,
Grincer, gémir, bousculés par les vents hurlants
Qui vont de branche en branche les écarteler
Avec le front baissé fonçant dans leur élan.

Oh ! Ces miaulements déchirant les aigus,
Ces stridents sifflements qui vont en s’accroissant,
Et, faiblissent, reprennent, montent jusqu’aux nues
Avec des feuilles déchiquetées méchamment.

Oh ! Hêtres, ne pas être comme vous, soumis
A la colère indomptée des enragés des cieux
Qui peuvent être amis mais aussi ennemis
Quand ils ont décidé d’énucléer vos nœuds.

Charmes, ormes, hêtres, frênes, pins, peupliers,
Pourquoi s’est-on enquis de vous faire la guerre ?
Frères solitaires, vous donnez tant l’été :
Qui vous est solidaire aux venues de l’hiver ?

Sauvage merisier, érable, châtaignier
Avec le chêne, le bouleau et le sapin,
Le noyer et tous les arbres de la forêt,
Vous vieillissez aussi, avec nous, les humains.

Et, tout au long des plaines battues par les vents,
Dans les bois, sur les monts, devant les marécages,
On vous entend chanter, on entend tous vos chants,
Syncopés, lancinants, naufragés du grand âge.

Ivres, arbres d’ici de nos belles contrées
Avant de vaciller, de perdre vos usages,
Bien d’autres espèces se seront rencontrées
Et vos pieds écorchés verront poindre un feuillage.