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Jean-Michel BOLLET

Le vivant se pend

Le vivant se pend à la vie car le mort ose
Rôder autour de lui surtout pendant la nuit
Avec un outil si qualitatif qu’il nuit
Aux pensées roses qui chassent l’humeur morose.

A l’aurore, le mort dort encore et se lève
Vers huit heures quand le gant lave le vivant
Qui, devant la glace et grâce à deux doigts enlève
Un bouton purulent qui attend le suivant.

Le mort sous cape rit en regardant la scène
De celui qui se dit quasi être immortel
Alors qu’il est soumis au sort accidentel
De voir son corps alerte échoir en Loire ou Seine.

Recevra son visage un tout nouveau pustule
Qui éclatera en libérant ses petits
Pressés d’aller gagner le coude et la rotule
Peu à peu dévorés avec bel appétit.

Le mort, alors, discret, accompagne la marche
- En ouvrant grand le nez - du très prochain défunt
Qui laisse serpenter un lacet de parfum
Derrière lui sans qu’il en ait fait la démarche.

L’odeur plaît à qui sait aimer la pourriture
Et le vivant souffrant se quitte par lambeaux
Avalés par le mort dont une nourriture
Tapisse les tombeaux veillés par les corbeaux.

Le vivant, doucement, sent qu’il se décompose
Et veut que le fleuve l’accueille dans son lit
En lui ouvrant ses eaux et son corps dès qu’on pose
En elles, celui-ci ne sent plus qu’il faiblit.

Le futur trépassé a dédaigné la terre
Et ses os glisseront sous la houle de l’eau
Où un cadavre est là qui, même sans fléau,
Enroulé dans un flot, mord fort et réitère

Son action et son frère entre en son royaume
Où trônent des spectres portant des gants en sang
Agitant leur torche à la fumée qui embaume

Les macchabées humant l’ambre en bâtons d’encens
Qui secouent leurs hanches dans les ombres dansant
Au chant d’un requiem, la face sous un heaume.